Le concert solidaire de l’association Unisson, donné le 17 octobre à l’Opéra-Comique, sera diffusé le 31 octobre sur France Musique, avant d’être disponible en streaming.
Les chanteurs lyriques ont retrouvé avec la pandémie de Covid-19 les vertus de l’union sacrée. Après une missive adressée au président de la République, ils se sont fédérés dès la mi-avril en une symbolique association, Unisson, de manière à défendre leurs droits et de préserver les plus fragiles d’entre eux. Samedi 17 octobre, avec le soutien de l’Opéra-Comique, ils ont décidé de remonter sur scène pour un concert solidaire, destiné à abonder un fonds de dotation en soutien aux artistes lyriques, lesquels paient le prix fort depuis le début de la pandémie. Certains ne se sont plus produits sur un plateau depuis le confinement du 15 mars, victimes d’annulations, de déplacements impossibles ou de reports de production ; d’autres ont été mieux lotis sans que cela change fondamentalement la donne, ainsi que le constatait, à l’été, le ténor Stanislas de Barbeyrac : « La crise liée au Covid-19 a jeté un coup de projecteur sur la situation particulièrement précaire des chanteurs, quel que soit leur niveau de carrière ou de rémunération. »
Il est 17 heures, couvre-feu oblige, mais la salle de l’Opéra-Comique rayonne d’une joie palpable, jusque sous le masque coloré de la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, présidente d’honneur d’Unisson. Les quelque soixante-cinq chanteurs présents (soixante-douze étaient initialement prévus) illustrent tous les âges de la carrière nonobstant une forte poussée de la jeune génération, dont un grand nombre foule pour la première fois le plateau de Favart, l’arche de Noé qui a accepté d’accueillir les participants de ce retour, même bref, à la vie lyrique. Tous sont comme les doigts d’une main ouverte : ils ont banni les solos pour ne présenter que des ensembles vocaux. Duo du West Side Story, de Bernstein ; trio de Cosi fan tutte ; quatuor du Bonheur d’aimer, d’Arthur Lavandier (création mondiale, commande d’Unisson) ; quintette des contrebandiers dans Carmen ; sextuor de La Cenerentola, de Rossini ; septuor des Contes d’Hoffmann, d’Offenbach ; la rare Serenade to Music, de Vaughan Williams, sans oublier les finales de La Bohème (Puccini), du Chevalier à la rose (Richard Strauss), de La Vie parisienne (Offenbach).
C’est avec la « pièce à quatorze » du Voyage à Reims, de Rossini, qu’ils ont posé leurs bagages. Le temps d’une lettre déchiffrée sous la dictée d’un piano. Les jeux peuvent commencer et la Carmen incandescente d’Aude Extrémo aguicher toute séguedille dehors le fringant Don José de Barbeyrac. Avant que le Dandini de Florian Sempey donne le coup d’envoi du désopilant Questo è un nodo de La Cenerentola, dont les six protagonistes accompagnent à coups redoublés de « r » roulés la soudaine révélation de l’identité de Cendrillon. Les numéros sont accompagnés par un triumvirat de pianistes, Nathalie Steinberg, Cécile Restier et Sélim Mazari, dont la puissante musicalité ferait presque oublier l’absence d’orchestre.
Cancan endiablé
L’occasion de découvrir des voix, certes, mais aussi d’entendre des artistes connus dans des répertoires inhabituels, comme Philippe Jaroussky dans Trois beaux oiseaux du paradis, de Ravel, avec Anne-Sophie Duprels, Scott Emerson, Pierre Bessière et Chantal Santon-Jeffery, qui se glisse dans les habits de sagesse de La Maréchale du Chevalier à la rose, aux côtés de l’Octavian de Valentine Lemercier et de la Sophie de Sabine Devieilhe (le trio « Hab’mir’s gelobt »). Jaroussky encore, dans le très hispanisant El Desdichado, de Saint-Saëns, emboîtant le pas de l’espagnolade à la talentueuse Marie Perbost.
La présence du ténorissime Benjamin Bernheim donne lieu aux deux sommets de la soirée : le magique Rodolfo de La Bohème (« Dunque è proprio finito » de l’acte III) – face à la Mimi d’Adriana Gonzalez, la Musetta de Marianne Croux et le Marcello de Jiwon Song – et le plus encore superbe duc de Mantoue (« Bella figlia dell’amore » du Rigoletto, de Verdi) dessillant l’amoureuse Gilda d’Inès Lorans, la Maddalena de Chloé Lacroix et le Rigoletto de Louis de Lavignère.
Bonheur également que d’entendre à nouveau le joli soprano de Chloé Briot aux côtés de Julie Pasturaud dans le « Wrong Note Rag » du Wonderful Town, de Bernstein. Sa plainte pour harcèlement sexuel dans le cadre de la production de L’Inondation, de Francesco Filidei, créée sur cette même scène de l’Opéra-Comique à la fin septembre 2019, a valu à la jeune cantatrice, qui ne savait pas si elle pourrait chanter à nouveau, une omniprésence médiatique.
C’est par un cancan endiablé regroupant tout ce beau monde, dûment masqué, que se clôture la soirée sur un finale de La Vie parisienne enlevé, avec la pétulante Anna Kasyan (Pauline) en quasi-meneuse de revue. Concoctée par le ténor Philippe Do (Samson inflammable face à la Dalila de Clémentine Margaine dans le fameux « Mon cœur s’ouvre à ta voix », de Saint-Saëns), la soirée a récolté un double succès public et financier : 21 673 euros de recettes et de dons, qui, une fois validés par le commissaire aux comptes de l’Opéra-Comique, seront intégralement reversés aux...
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