À l’initiative d’un collectif de jeunes artistes, une action rapide s’est tenue sur le parvis de la gare du Nord, lundi 1er février. Dix minutes de spectacle vivant dans l’espace public, pour rappeler aux passants que le secteur se meurt.
Dix minutes, montre en main. C’est le temps qu’il a fallu à une quarantaine de jeunes artistes pour faire naître un fugace instant de poésie en direct du parvis de la gare du Nord, lundi 1er février. Orchestrée par le collectif On ouvre, qui regroupe de formidables jeunes comédien(ne)s, dramaturges ou metteuses en scène (Marion Siéfert, Lorraine de Sagazan ou Elsa Granat, pour ne citer qu’elles), cette action éclair baptisée « Ouverture de survie » s’inscrit dans la continuité d’une démarche initiée le 17 décembre : le collectif encourageait alors les gérants de lieux culturels à ouvrir leurs portes quelques heures. Un geste symbolique pour protester contre une mise à l’arrêt jugée « absurde » et injustifiée. Depuis, différents groupes ont donné forme à cet élan, dont l’action s’organise via le bouche-à-oreille et se joue désormais dans la rue.
12h35. Armée d’un gong métallisé et d’un bâton, Ève Dadiès, directrice d’une compagnie et programmatrice du festival Les Rendez-vous d’ailleurs, donne le coup d’envoi. Dong ! Voilà la place Napoléon-III qui s’anime. Sur des couvertures de survie aux reflets dorés, des dizaines de saynètes démarrent simultanément et se répondent dans un joyeux brouhaha : ici, une jeune femme récite, recueil à la main, un poème tiré des Contemplations, de Victor Hugo. Là, on enchaîne des pas de danse.
À côté, Ève incarne une Phèdre désemparée : « Quelle importune main, en formant tous ces nœuds / A pris soin sur mon front d’assembler mes cheveux ? » déclame-t-elle en joignant le geste à la parole, avant de s’emparer d’un pistolet et de s’effondrer au sol. Non loin, un jeune homme joue de la guitare, un autre danse, une troisième chante. Certains se tiennent tout simplement debout en silence, exécutent un slow ou discutent en petits groupes, d’autres exhibent une pancarte sur laquelle s’étale leur détresse : « Je suis une groupie sans pianiste » ou « Besoin urgent de bouffée d’art ». Dans l’air, on entend résonner la déprimante chanson de la bande-originale de Titanic, signée Céline Dion. Le spectacle vivant est bien touché, mais il n’est pas encore coulé !
Un milieu culturel trop docile ?
La consigne est claire : avec ou sans masque, à bonne distance les uns des autres, il suffit de se servir de la couverture posée au sol comme d’une micro-scène pour « chanter, danser, regarder, porter son plus beau costume, porter le deuil d’une activité non essentielle, faire cours, cuisiner… » : peu importe l’expression, pourvu qu’elle rende visibles et audibles celles et ceux interdits de s’exprimer sur scène depuis bientôt un an.
Le public se prête immédiatement au jeu : quelques voyageurs déboulent de la gare, valise à la main, et s’arrêtent un instant, intrigués. Des passants garent leur vélo, d’autres laissent partir leur bus ou posent leurs courses par terre, et déambulent au milieu de ces plateaux improvisés, posant des questions aux artistes. « On a juste envie de jouer ! »disent ces derniers. « Se retrouver, être ensemble et partager enfin un moment de joie et de palpitation, voilà qui fait du bien ! » témoigne Alice Vivier, cofondatrice du théâtre La Loge et qui coordonne à présent les actions d’On ouvre. Pendant dix minutes, c’est le retour du monde d’avant : spectacle, public, et un délicieux sentiment de légèreté qu’on avait presque fini par oublier.
12h45. Ève Dadiès sonne...
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