Le dispositif est souvent utilisé au détriment d’emplois salariés dans un secteur où les embauches sont rares.
Ils sont des milliers chaque année à sortir diplômés d’une formation supérieure dans le secteur culturel. Leur avenir, ils le voient en tant que comédien, régisseur, médiateur, conservateur… Mis en garde par leurs professeurs sur les difficultés d’embauche, ces jeunes adultes ont tout de même l’espoir de trouver un emploi dans le secteur qu’ils convoitent. Mais bien souvent, le service civique est la seule opportunité qui s’offre à eux pour entrer dans la vie professionnelle dans le domaine qu’ils ont choisi. Ce dispositif s’impose aux jeunes diplômés alors qu’ils n’en sont pas la cible originelle.
A 24 ans, quand Elodie (elle n’a pas souhaité donner son nom) s’est mise à chercher du travail, son diplôme de gestion de projets culturels obtenu, elle ne s’imaginait pas devoir faire un service civique pour entrer dans le métier. «Je ne voulais pas faire un emploi déguisé en étant diplômée d’un bac + 5. Je me sentais prête à travailler en mettant à profit mes compétences», explique la jeune femme. Après plus d’une centaine de candidatures envoyées, elle a dû se résigner. «J’ai postulé à deux offres de service civique. J’en ai trouvé une qui correspondait au domaine vers lequel je voulais me diriger et j’ai été prise.» Elodie passera six mois dans une association d’art contemporain. Six mois à effectuer le travail d’un employé, pour un salaire d’à peine 500 euros.
Pour les jeunes diplômés, le service civique est la plupart du temps un deuxième choix. «J’aurais préféré avoir un vrai emploi, mais je l’ai vu comme une porte d’entrée dans le domaine de la culture, témoigne Clara (elle a demandé aussi l’anonymat), diplômée en droit international, qui a choisi de se reconvertir dans le domaine du cinéma. Je trouve que le service civique, c’est un peu de l’exploitation. On a les mêmes horaires que les employés, les tâches sont hyperintéressantes, mais on est payé une misère.»
Une main-d’œuvre qualifiée
Créé en 2010, le service civique s’adresse en théorie à n’importe quel jeune qui a le désir de s’engager. Mais beaucoup de structures font appel aux «volontaires» considérés comme une main-d’œuvre qualifiée. «On recherche des étudiants en art ou en histoire de l’art, souvent jeunes diplômés», reconnaît Michel Delajoud, chargé des publics et d’éducation à la Villa du Parc, centre d’art contemporain à Annemasse (Haute-Savoie). En 2020, sur les 131 000 volontaires pour le service civique, tous secteurs confondus, 35 % étaient étudiants de niveau bac + 2 ou plus, 43 % de niveau bac ou équivalent, 22 % de niveau inférieur au bac. «Les jeunes acceptent des conditions de travail de plus en plus dégradées pour avoir une expérience professionnelle. Ils n’ont pas vraiment le choix. Un jeune diplômé bac + 5 dans la culture n’a souvent pas d’autre option que d’accepter de faire un service civique parce que sinon il n’a rien et il ne peut même pas recourir au chômage», constate Florence Ihaddadene, sociologue à l’université de Picardie Jules-Verne.
Des difficultés d’embauche auxquelles sont confrontés les étudiants avant même d’être diplômés. Dans les formations culturelles, l’accent est mis sur l’acquisition d’expériences professionnelles. Les stages longs et les périodes d’alternance sont encouragés voire obligatoires. Dans les faits, les élèves peinent à trouver un contrat. Le service civique devient alors une manière comme une autre de se former. «Dans mon master, l’alternance était obligatoire en M2. Mais beaucoup de structures n’ont pas les moyens de rémunérer un apprenti 1 000 euros par mois, alors nos directeurs nous autorisaient à faire des stages ou des services civiques», explique Elodie. Une situation qui contrevient parfois au bon déroulement des études : «Certains dans ma classe ne pouvaient pas se permettre d’arrêter de travailler pendant la semaine.»
Ces arrangements pris avec les termes du contrat ne sont pas étonnants au regard du statut particulier du service civique. «Il ne relève pas du droit du travail mais du code du service national. Il s’inscrit dans la continuité du service militaire», explique Florence Ihaddadene. Pour elle, les services civiques ne remplacent pas...
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