Les danseurs et les circassiens ont repris l’entraînement avec masques, gants et distanciation, qui entravent le travail collectif.
C’est une première. La danse et le cirque contemporains se coalisent pour gérer leur déconfinement. Sur une initiative de la Direction générale de la création artistique (DGCA), deux rencontres nationales rassemblant une trentaine de professionnels des deux bords, ainsi que des médecins du sport collaborant avec l’Opéra national de Paris ou de Bordeaux, se sont déroulées le 28 avril et le 6 mai, au Centre national de la danse, à Pantin (Seine-Saint-Denis).
« Ce sont deux disciplines pour lesquelles il est difficile d’envisager une reprise avec les consignes sanitaires telles qu’elles sont actuellement, précise Laurent Vinauger, délégué à la danse à la DGCA. Impossible d’imaginer que les gens ne se touchent pas, particulièrement dans le cirque, où la majorité des techniques ne peut se faire sans partenaire. Mais les activités d’entraînement et de répétitions reprennent dans un cadre commun que nous sommes en train de finaliser avec le Conseil national des professions du spectacle. »
« On a même désinfecté les barres en bois »
Le retour au training en studio, selon un suivi médical qui évolue en fonction des préconisations, est une première étape. « Deux mois de confinement, même avec une pratique régulière, entraînent deux mois de remise en forme pour un danseur », résume Aurélie Juret, médecin du sport qui collabore depuis dix ans avec le Malandain Ballet Biarritz. Alors, au travail ! Cours en nombre réduit (moins de dix artistes), port du masque ou pas, selon l’intensité de l’activité pratiquée (plus elle est forte, plus les risques cardiaques augmentent, plus le masque est contre-indiqué), distance d’au moins deux mètres autour de chaque interprète…
« Les 4 m2 dont on parle en général correspondent à des personnes dont la fréquence cardiaque est basse, comme les acteurs par exemple, ce qui n’est pas le cas du danseur ou du circassien en action, qui a besoin d’au moins 12 m2, poursuit Aurélie Juret. Comme les athlètes, qu’ils sont aussi même s’ils l’ignorent souvent, ils respirent fort, ne font pas de surplace, sautent, transpirent… Ces paramètres entraînent une propagation plus rapide du virus. D’où le besoin d’une plus grande surface de travail. » Autant dire qu’il s’agit de bénéficier d’espaces surdimensionnés et bien aérés si on veut rester au plus près des normes sanitaires.
Au Ballet de l’Opéra national du Rhin, le studio est de 182 m2. Pour la troupe de trente-deux interprètes, Bruno Bouché, directeur, a mis en place depuis le 18 mai un planning de trois cours d’une heure quinze par jour, avec huit personnes au maximum, situées à 3,5 m de distance à la barre et 5 mètres au milieu… « C’est rocambolesque de travailler dans ces conditions, s’exclame-t-il. On a même désinfecté les barres en bois, qui pourraient être porteuses du Covid-19, on les a entourées de scotch. On nettoie sans arrêt la salle, le sol, et on prend notre temps. » En particulier à cause du port du masque, qui entraîne un essoufflement rapide et limite la performance physique. « Mais on s’habitue peu à peu à danser masqué, ajoute la danseuse Céline Nunigé. En revanche, on n’a pas encore recommencé les grands sauts et les mouvements dans l’espace. »
Les circassiens en solitaire
Adaptation et responsabilisation sont les mots-clés de cette reprise physique bridée, surtout pour les circassiens. Aux Noctambules, école de cirque et lieu de fabrique à Nanterre (Hauts-de-Seine), une poignée de professionnels ont pu retrouver le chapiteau, les portiques installés en extérieur, les trapèzes… « Disposer des 50 m2 préconisés par personne pour les figures aériennes, par exemple, est quasiment impossible en intérieur, déclare Satchie Noro, acrobate et codirectrice du lieu. Pour le moment, chacun...
Lire la suite sur lemonde.fr