Une fois la crise passée, le Centre National de la Musique devra, à horizon 2022, trouver une centaine de millions d'euros de ressources pérennes par an pour mener à bien ses ambitions, affirme son président, Jean-Philippe Thiellay.
Avec la nécessitée d'aider en urgence un secteur sinistré, le CNM n'a-t-il pas grandi trop vite, comme dopé aux hormones ?
Nous nous serions bien passés de cette crise, mais pour aider la filière à la traverser, le CNM a essayé de faire preuve d'agilité, de réactivité, pour traiter les demandes de financement en trois semaines environ. Dans un contexte aussi difficile, c'était l'épreuve de vérité. Nous avons mobilisé en urgence 155 millions d'euros, graduellement, depuis mars dernier.
Ce soutien du ministère pour faire face au virus est exceptionnel, mais en 2022, le CNM aura-t-il les moyens de ses ambitions ?
En janvier 2020, la taxe sur la billetterie des spectacles, en croissance de 9 %, devait représenter 37 millions d'euros. S'y ajoutent la subvention du ministère censée atteindre 20 millions par an en 2022, la contribution de 10 millions des organismes de gestion collective, soit environ 70 millions, sans compter les crédits d'impôt de 25 millions. Bien sûr, la crise a pour l'instant tout bouleversé. D'où les aides du ministère qui mettra encore 170 millions d'euros dans le plan de relance en 2021 et 30 millions en 2022. Mais il faudra trouver des pistes de financement pérennes. Le CNM ne réussira que s'il dispose idéalement d'une centaine de millions par an.
Quelles sont ces pistes ?
Le CNM ne peut reposer sur une seule taxe sur le spectacle vivant. Le CNC, pour le cinéma, dispose de ressources affectées dynamiques, issues notamment du numérique. J'appelle à un aggiornamento fiscal dans la musique. Cela conduit à réfléchir au taux de TVA, pour que la musique enregistrée ait le même taux que les autres biens culturels, mais aussi à la contribution du streaming et des objets connectés, à l'élargissement de la taxe sur la billetterie à tous les genres musicaux, au-delà des seules musiques actuelles et de variété.
Le CNM est bâti sur les fondations de 5 structures, comment créer une culture commune ?
Toutes ont voté à l'unanimité leur intégration dans le CNM qui réunit désormais une centaine de collaborateurs que j'ai tous reçus individuellement. Elles ont une histoire différente mais, surtout, un patrimoine commun, la même impatience de voir naître cet organisme attendu depuis plus de 40 ans, puisqu'il était prévu dans un projet de loi Landowski de 1977. Le moment est historique.
A la création du CNM, vous étiez attendu au tournant, qu'en est-il aujourd'hui ?
Nous avons mis autour de la table des professionnels qui ne s'étaient jamais parlé, car la filière est très hétérogène : entre spectacle vivant et musique enregistrée, musiques actuelles et classiques, secteurs privé et subventionné… Et nous réfléchissons pour mieux associer les collectivités locales. Nous voulons être un lieu de veille, d'analyse, d'ébullition intellectuelle, un think tank permanent sur la musique et bien sûr un instrument de soutien efficace.
Au-delà de la crise, quels seront les enjeux majeurs pour la filière ?
Ils sont multiples : la protection de la diversité musicale et territoriale, l'évolution de l'expérience spectateur, les opportunités du digital pour rémunérer les artistes, l'innovation pour aider...
Lire la suite sur lesechos.fr