En plus de la traduction en langue des signes dans certains lieux de spectacle, un nouveau dispositif permet de «ressentir» la musique à travers des vibrations appliquées directement sur le corps.
Faire visiter les «beaux» bâtiments de l'Opéra-Comédie de Montpellier en langue des signes, cela suffit un temps. «Ce qui émeut vraiment, c'est la musique et ce que l'on ressent au plus profond de soi, dans ses tripes», s'exclame Valérie Chevalier, directrice de l'Opéra de Montpellier. Pour la première fois, le lieu rend ses spectacles inclusifs grâce à une nouvelle technologie : les gilets vibrants, aussi surnommés «SubPacs». Déjà connu du monde des jeux vidéo, le dispositif appréhende l'univers sonore des concerts, pour transmettre la musique aux personnes sourdes à l'aide de vibrations.
Des initiatives sont déjà entreprises pour les aveugles, notamment avec l'audio description proposée dans les salles de spectacle. En juillet, sept SubPacs se fondaient dans la foule du festival de musique classique Savalaure à Arnac, dans le Cantal. À l'opéra, l'expérience ne demande qu'à s'étendre. Valérie Chevalier, première femme à diriger un opéra national, est présentée comme «très humaine» par ses collègues. Tournée vers les publics en marge de la musique classique comme des personnes issues de quartiers défavorisés ou les sourds et malentendants, elle s'est questionnée sur leur accès à cet art. La première initiative remonte à février 2019, où deux chansigneurs (interprète artistique de la langue des signes) étaient sur scène pour traduire l'action de Don Pasquale, de Donizetti. Les sourds et malentendants pouvaient alors comprendre les échanges entre les chanteurs. «Les premiers rangs étaient réservés pour eux», souligne la directrice. Mais rapidement, les chansigneurs font savoir à Valérie Chevalier et son équipe qu'ils «s'ennuient» lors des temps morts, «ils ne se passent plus rien» pour eux. À l'image de leur public sourd, ils ne peuvent percevoir la musique.
Convertisseur de son
C'est grâce aux chansigneurs que Valérie Chevalier découvre l'existence des gilets vibrants. L'Opéra de Montpellier s'en fait alors prêter quelques-uns par le théâtre de Nîmes. L'entreprise américano-canadienne Timmpi est à l'origine de cette technologie. Les gilets fonctionnent par bluetooth. Des petits micros sont posés sur la scène ou dans la fosse, où le son des instruments est capté, transféré à une table de mixage puis restitué en vibrations au contact de l'auditeur.
L'Opéra de Montpellier a investi dans vingt gilets vibrants, achetés environ 700 euros pièce. «Cela a un coût, mais les retours sont tellement incroyables que ça vaut vraiment la peine d'investir.» Valérie Chevalier réfléchit aujourd'hui à de nouvelles acquisitions. «Nous avons un public sourd assez fidèle, ils se sentent les bienvenus et savent qu'ils ont leur place auprès de nous, parmi les entendants». Un investissement sur le long terme qui peut, à leur tour, faire l'objet d'un prêt pour une autre salle de spectacle.
«C'est tellement fidèle à ce que l'on entend nous, précise Valérie Chevalier, de la fierté dans la voix. C'est un véritable convertisseur de son, la moindre note vibre en vous». Elle précise qu'en tant qu'entendante, l'expérience n'est pas agréable, voire «insupportable» : les vibrations se superposent aux sons. «La dernière fois que nous avons fait une opération comme celle-ci en salle, un monsieur sourd âgé de 65 ans pleurait. Il m'a dit : “C'est la première fois que je vais à l'opéra, c'est la première fois que j'entends de la musique”. Quand on voit le résultat, on devrait pouvoir l'étendre à tous et même aux enfants.» Chose dite, chose faite, des initiations se succèdent auprès des collégiens et des lycéens ces derniers mois. Là encore, les SubPacs rencontrent un large succès.
La représentation des Fables de La Fontaine les 16 et 17 octobre derniers rendait accessibles pour la première fois les gilets vibrants à de jeunes enfants. Opéra Orchestre national Montpellier Occitanie
Les gilets sont adaptés aux «tout-petits». Des enfants âgés en moyenne de 5 à 6 ans ont assisté à ...
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