Des directrices de scènes publiques expriment leur vision du mouvement, dans un secteur particulièrement fermé et fragile économiquement.
Jeudi 7 octobre naissait le mouvement #metoothéâtre, à l’initiative de la blogueuse Marie Coquille-Chambel, animatrice d’une chaîne YouTube sur le théâtre. En juin 2020, la jeune femme avait porté plainte contre Nâzim Boudjenah, un acteur de la Comédie-Française, pour violences et menaces de mort. En juin, le comédien a été condamné pour les menaces de mort, mais relaxé pour les faits de violence. Début octobre, en lançant #metoothéâtre, Marie Coquille-Chambel l’a également accusé de viol. Nâzim Boudjenah reste, à ce jour, membre de la troupe de la Comédie-Française, mais n’est distribué dans aucun spectacle cette saison.
Il aura fallu quatre ans, après le lancement de #metoocinéma, pour qu’apparaisse le même type de mouvement de libération de la parole sur les violences sexistes et sexuelles dans le domaine du spectacle vivant, où, selon les signataires d’une tribune parue dans Libération, le 13 octobre, la peur et le secret seraient la règle. Plus encore, peut-être, que dans d’autres secteurs, dans ce milieu plus fragile, moins sous les feux des projecteurs que le cinéma.
Presque deux mois après le lancement du mouvement, la parole des victimes, notamment celles d’actes graves, semble encore largement tue. Une polémique s’est nouée autour de la décision de Wajdi Mouawad, le directeur du Théâtre national de la Colline, à Paris, de confier la musique de sa dernière création, Mère, à Bertrand Cantat, et de maintenir dans sa programmation un spectacle signé par Jean-Pierre Baro, visé par une plainte pour viol classée sans suite en 2019.
Toutes solidaires
Contesté sur ces choix, Wajdi Mouawad a répondu par un texte au rasoir, publié par Sceneweb, le 19 octobre, et titré «Je refuse de me substituer à la justice», qui n’a pas contribué à apaiser le climat. Un mois plus tard, le 19 novembre, un groupe d’activistes tentait de bloquer la première de son spectacle. Le collectif #metoothéâtre a eu beau préciser qu’il n’avait «jamais appelé à se rassembler devant La Colline» et n’était donc pas «organisateur de l’action du 19 novembre menée par des militant(e)s engagé(e)s dans la lutte contre les féminicides et la libération de la parole autour des violences sexistes et sexuelles», l’amalgame était fait.
Dans ce climat sous tension, nous avons voulu savoir quel regard les directrices de théâtre – centres dramatiques nationaux, scènes nationales, théâtres municipaux – portaient sur le mouvement et sur un paysage artistique difficile à appréhender. Les violences sexistes et sexuelles sont-elles ...
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