La manifestation était organisée à l’initiative de Marie Coquille-Chambel, vidéaste et critique de théâtre à l’origine du mot-clic qui a contribué à libérer la parole dans le secteur du spectacle vivant.
Elle a accepté de donner son prénom puis, en fin de discussion, s’est rétractée : «Il est trop reconnaissable dans ce petit milieu qu’est le théâtre, j’ai peur d’être identifiée.» Alors appelons-la Marie. Samedi 16 octobre, cette comédienne âgée de 30 ans a participé au rassemblement pour dénoncer les violences sexistes et sexuelles dans le secteur théâtral. Organisée à Paris, à deux pas du ministère de la culture et de la Comédie-Française, cette première manifestation, qui s’inscrit dans le prolongement du mouvement #metootheatre lancé ces jours derniers sur les réseaux sociaux, a réuni quelque deux cents personnes.
«Tout au long de notre parcours, depuis le conservatoire, on a été témoin, parfois victime, de harcèlement et d’abus, raconte Marie, au côté de Maud, 26 ans, également comédienne. On se demande si on sera cru et on a tellement peur de perdre une place, dans ce milieu où tout se sait très vite, que l’on se tait. Même aujourd’hui, certaines n’ont pas osé venir.»
Sur un camion-estrade, lectures et témoignages se succèdent. Il y a Alice, visage entièrement masqué, qui a porté plainte pour viol contre Michel Didym, comédien, metteur en scène renommé et ancien directeur du Théâtre de la Manufacture, à Nancy – viol qu’il nie. Alice enjoint aux manifestantes de «ne plus avoir peur. Le problème, ce n’est pas Michel Didym, mais le théâtre dans son ensemble et ses rapports de domination. Ce sont les prédateurs qui doivent avoir peur de nous. Nous sommes la force, nous sommes là pour faire du théâtre et rien d’autre, à nous de jouer», insiste-t-elle, les mains tremblantes.
«Mort à l’omerta»
«Il m’a violée, vous l’applaudissez», «Violeur connu, violeur quand même», «Agresseurs, hors de nos théâtres», «Notre colère n’est pas une comédie», peut-on lire sur les pancartes. Marie Coquille-Chambel, la vidéaste et critique de théâtre à l’origine du hashtag #metootheatre, prévient : «On sera devant chaque théâtre qui programme des agresseurs. Mort à l’omerta.» Une intermittente du spectacle largement applaudie déclare :
«Ne laissons pas tous les pouvoirs au sein d’un groupe qui se protège, ces violences empoisonnent notre art, il est temps de les faire tomber. Le violeur, c’est l’homme et c’est l’artiste.»
Alors qu’un collectif de personnalités et de professionnels du théâtre a signé, mercredi 13 octobre, une tribune dans Libération appelant à «la libération de la parole» et à «l’urgence des actes», aucune comédienne ou comédien connu du grand public n’a pris place dans les rangs du rassemblement. En revanche, des responsables politiques ont fait le déplacement, parmi lesquels le candidat Europe Ecologie-Les Verts à la présidentielle, Yannick Jadot, son ex-concurrente Delphine Batho, la conseillère de Paris Danielle Simonnet (La France insoumise) et l’adjointe à la maire de Paris Audrey Pulvar (Parti socialiste).
Pour Kate et Marieva, deux comédiennes âgées de 33 et 36 ans, cette absence de «stars du théâtre» n’est pas étonnante : «Ici, c’est le théâtre artisanal qui est représenté. Nous ne sommes qu’au début d’un mouvement et devons nous organiser.» Pour elles, la précarité du métier est un des éléments qui facilite la domination masculine. «La concurrence tue la sororité, constate Kate. On est à la fois victime et coresponsable.» «Des histoires de harcèlement, de sexisme ordinaire, de gestes déplacés, de chantage, on en a toutes vécu depuis qu’on se forme au métier», poursuit Maud. Mais toutes deux veulent croire que les choses sont en train de «bouger» : «Il y a davantage de solidarité entre nous et ce #metootheatre aide à ne plus se sentir seule.»
Report du spectacle de Michel Didym
Jeudi, le Théâtre des Célestins, à Lyon, a annoncé le report du spectacle Habiter le temps, de Michel Didym, initialement prévu du 16 au 20 novembre. A la suite de l’ouverture d’une enquête préliminaire pour ...
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