Après la condamnation du chorégraphe à dix-huit mois de prison avec sursis pour agression sexuelle sur une de ses danseuses, la compagnie Troubleyn s’est vue retirer ses subventions. Une décision inévitable, mais qui intervient dans un contexte extrêmement tendu pour la culture flamande, soumise par le gouvernement à des pressions budgétaires effarantes.
Le 29 avril, Jan Fabre, chorégraphe et plasticien flamand de renommée internationale, était condamné à dix-huit mois de prison avec sursis par le tribunal correctionnel d’Anvers pour agression sexuelle contre l’une des danseuses de sa compagnie Troubleyn, et pour violences ou humiliations à l’égard de cinq autres. Depuis l’émergence du mouvement #MeToo, cette condamnation d’un artiste pour des faits de violences sexuelles ou morales dans le cadre du travail est à notre connaissance la première à advenir dans le milieu du spectacle vivant. La précision n’est pas anodine. Car dans le cas du théâtre ou de la danse en particulier se pose inévitablement, dans la foulée du procès, la question de la mort programmée des œuvres (la fameuse «cancel culture», comme les polémistes l’appellent). En effet, si le spectateur peut toujours choisir de revoir ou non, en conscience, les films de Woody Allen, de Roman Polanski, ceux produits par Harvey Weinstein – ceux, en somme, d’hommes impliqués dans des scandales de violences sexuelles – il ne verra probablement plus les spectacles créés par Jan Fabre depuis trente ans, lesquels étaient pourtant considérés avant que le scandale n’éclate comme des jalons incontournables de l’histoire de la scène. Poubelle ?
Avis défavorable
Pour que ce répertoire continue à exister, il aurait fallu d’une part que des danseurs acceptent de remonter sur scène, que des directeurs de théâtre tiennent à programmer une œuvre entachée par la signature de l’artiste (quand bien même Jan Fabre n’accompagne plus les tournées des danseurs depuis longtemps). Il aurait fallu, surtout, que cette compagnie employant une quarantaine d’employés fixes et de nombreux intermittents survive financièrement au jugement. Fin mars, la commission d’évaluation chargée d’examiner les dossiers de demandes de subventions dans le secteur culturel flamand avait rendu un avis défavorable pour la compagnie Troubleyn. Comme attendu, le cabinet du ministre-président flamand, Jan Jambon (N-VA), responsable de la culture, a confirmé ce vendredi que la structure de Jan Fabre ne percevrait pas d’argent public pour la période 2023-2027. Voilà donc qui devrait intéresser les historiens et sociologues de l’art et donner une autre stature aux archives vidéo.
Contexte de stress maximal
Sur le dossier Fabre, la décision gouvernementale semble évidemment légitime. Elle intervient néanmoins dans un contexte de stress maximal pour le milieu de la culture flamand, soumis à des pressions budgétaires alarmantes qui ne sont pas sans rappeler le carnage opéré en France notamment par le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes Laurent Wauquiez. En avril, rappelait la RTBF, le secteur culturel flamand avait lancé une campagne sous le hashtag #ambitieuzerdandit («plus ambitieux que cela») pour demander au gouvernement régional d’investir davantage de moyens dans la culture, à l’heure où un organisme sur quatre était menacé de perdre ses subsides...
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