Un mois après l’appel enfiévré du Président pour sauver un secteur de la culture qui s’estimait déjà oublié, le ministère est loin d’avoir répondu à toutes les attentes. De nombreuses incertitudes demeurent sur des points essentiels, telle l’année blanche des intermittents.
Bientôt un mois qu’Emmanuel Macron aura adressé son programme d’action de crise pour la culture, face à douze personnalités du secteur triées sur le volet. Au seuil de l’été, la mise en œuvre des mesures phares demeure encore et toujours opaque, voire occulte, pour les professionnels qui craignent d’avoir assisté le 6 mai à un vain numéro de communication enfiévré. Les annonces de la phase 2 du déconfinement se sont greffées depuis, actant la réouverture des lieux culturels. Mais qu’attend donc la grande saison «apprenante et culturelle» pour révéler son mode d’emploi estival ? Et en quoi consiste-t-elle, déjà ?
Faute de dispositif clair ou d’appel à projets, chacun des acteurs y va de son interprétation. Le directeur du Théâtre national de Strasbourg (TNS), Stanislas Nordey, en a mis une douzaine «à la sauce de l’été», qu’il s’est empressé de rédiger et d’envoyer au ministère. Mais pour les autres ? «Aller à la rencontre des publics dans les quartiers, les zones rurales, les hôpitaux, ce n’est pas révolutionnaire, on le fait déjà, souligne le directeur du TNS. Mais là, il y aura peut-être des moyens. Je suis méfiant de nature, mais ils ont l’air de bonne volonté. C’est dans les tuyaux, c’est juste compliqué.» Il a prévenu la Rue de Valois : «Si on emprunte les canaux administratifs habituels, rien ne verra le jour avant décembre.» Quelle est la procédure ? Contacté, le ministère de la Culture élude sans élucider : «Il appartient à chacune des directions régionales des affaires culturelles de définir son propre mode opératoire. Cet été se construira au plus proche des propositions et possibilités des artistes et de tous les acteurs culturels.» Certains projets sont déjà en voie de finalisation, assure-t-on gaillardement en interne. Seul exemple lancé à l’appui de cette affirmation : «la Traversée de l’été» du TNS… La plupart des structures ne pourront pas s’embarquer dans l’opération estivale de Macron : difficile de créer des partenariats pour monter un projet ex nihilo en si peu de temps. «Ceux qui se manifestent sont déjà engagés dans ces actions et, surtout, ils ont les reins assez solides», remarque Stanislas Nordey.
Plateforme
Présente comme lui à l’appel présidentiel du 6 mai, la chorégraphe Mathilde Monnier (lire page 26) craint «que les aides se destinent prioritairement aux institutions et que les compagnies indépendantes soient réléguées au bout de la chaîne», problème observé du temps où elle dirigeait le Centre national de la danse (CND). Elle disposait alors de budgets d’éducation artistique à ne savoir qu’en faire, «bien supérieur à celui des projets de création». L’appel du Président au «renouvellement» a fait grincer les dents du secteur, qui «n’a pas attendu le 6 mai pour faire de l’éducation artistique et culturelle», rappelle Nicolas Dubourg, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac) et directeur du théâtre la Vignette à Montpellier. «La manière dont Macron en a parlé, c’est mettre des animateurs dans les colonies de vacances et les écoles, résume Vincent Moisselin, directeur du Syndeac. L’animation est un métier, avec un diplôme spécifique pour encadrer des enfants. Le principe de l’éducation culturelle et artistique, c’est le contraire de l’événementiel.» Dans le monde d’après, il s’agit pourtant d’occuper les intermittents désœuvrés, appelés à encadrer les gamins dans les quartiers. Alors quand Macron rendait l’antenne le 6 mai, le ministre Franck Riester annonçait s’entretenir avec le Haut Conseil de l’éducation artistique et culturelle (HCEAC), pour lancer une «plateforme» de mise en relation des artistes avec les équipes éducatives. Sur le modèle Leboncoin ou Tinder ? L’histoire ne le dit pas. «Dès la semaine prochaine, une première version de cette plateforme sera disponible», promet-on Rue de Valois. Déjà, des mails adressés à des associations culturelles, compagnies de théâtre, de danse et musiciens circulent. Ils proposent aux artistes de participer au dispositif «2S2C», pour «sport, santé, culture et civisme», lancé au pas de charge par Jean-Michel Blanquer pour la réouverture des écoles et qui met déjà vent debout le monde enseignant. Rémunération : «110 euros» par jour d’intervention d’ici au 4 juillet. Ce qui fait tomber les bras dans le milieu de la culture où les destinataires se disent «navrés». Un nouveau dispositif, alors que toutes les séances et ateliers artistiques menés durant l’année ont...
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