Le monde de l’art se divise sur le sort réservé aux productions de créateurs comme Claude Lévêque, mis en examen pour viols sur mineurs, et Jan Fabre, condamné pour agression sexuelle et violences.
Le tapis Soleil noir de l’artiste Claude Lévêque est-il toujours à l’Elysée ? La question posée à l’exécutif faisait suite à la révélation, en juillet, de la mise en examen de l’artiste français pour viols sur mineurs. « Demandez au Mobilier national, qui a la haute main sur l’ameublement du palais », esquive l’entourage d’Emmanuel Macron. Renseignement pris, cette commande n’est pas retournée dans les réserves, malgré la gravité des accusations à l’encontre du plasticien. « L’objet fait partie d’un ensemble décoratif global, les décors ne changent pas si régulièrement », évacue un porte-parole du Mobilier national.
L’exécutif n’a donc pas remballé le tapis, mais préfère se faire discret, à l’instar d’autres institutions embarrassées par les œuvres d’artistes accusés de pédocriminalité et d’agression sexuelle. Faut-il continuer à les montrer, en vertu de la présomption d’innocence et du distinguo entre l’homme et son œuvre ? Ou les proscrire au nom de la morale et du respect dû aux victimes présumées ? « A partir de quel moment l’œuvre d’un individu accusé d’avoir commis des actions répréhensibles est-elle porteuse d’une charge négative ? », s’interrogeait, en 2021, la philosophe Carole Talon-Hugon au micro de France Culture.
Depuis la vague #metoo, ces questions n’en finissent pas d’agiter le monde de l’art. Quand Chuck Close (1940-2021), pionnier du photoréalisme connu pour ses grands portraits kaléidoscopiques, fut accusé en 2017 de harcèlement sexuel par plusieurs modèles féminins, la plupart des musées américains ont décroché ses œuvres sans autre forme de procès. La National Gallery of Arts de Washington a annulé une rétrospective prévue en 2018, son purgatoire ne prenant fin qu’à sa mort, en 2021.
Jan Fabre, star déchue
Quel sort la Belgique réservera-t-elle à sa star déchue Jan Fabre ? Le 29 octobre, le célèbre plasticien et chorégraphe flamand aura purgé sa peine de dix-huit mois de prison avec sursis pour des faits de violence, harcèlement, comportement sexuel inapproprié sur le lieu de travail et attentat à la pudeur. Pourra-t-il alors reprendre sa carrière là où il l’avait laissée ?
Directrice du Musée d’art contemporain de Lyon, qui ne détient pas moins de quarante-deux vidéos de l’artiste, Isabelle Bertolotti plaide pour une réhabilitation. « Nous avons dans notre collection de très belles performances, qui posent des questions contemporaines et méritent d’être remontrées », argumente-t-elle, rappelant que « justice a été rendue ».
Christophe Slagmuylder, directeur du centre d’art bruxellois Bozar, pense, en revanche, « qu’il faudra du temps pour regarder à nouveau l’homme et son œuvre avec le recul nécessaire ». « On doit laisser passer un an ou deux », acquiesce à contrecœur Daniel Templon. Le marchand français, qui représente Jan Fabre depuis vingt ans, avait espéré le programmer à Paris au printemps 2024 – « On me l’a déconseillé, c’est encore trop chaud. »
A l’annonce de sa condamnation, en avril 2022, les Musées royaux des beaux-arts de Belgique, à Bruxelles, ont décidé d'...
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