Pour les musiciens et peintres ukrainiens, créer est un moyen de participer à l’effort de guerre et de développer l’identité du pays face aux destructions de l’armée russe. Mais aussi de soigner les traumatismes provoqués par le conflit.
KyivKyiv (Ukraine).– Après trois mois passés comme réfugiée dans l’ouest de l’Ukraine, Varvara Lohvyn n’a pas reconnu sa ville natale. Des « hérissons tchèques » ont poussé dans les rues de Kyiv (Kiev), la capitale ukrainienne. Ces énormes structures métalliques peu esthétiques ont été installées pour arrêter les chars russes, puis mises de côté, une fois la menace imminente levée.
Au chômage technique avec son entreprise de pyrotechnie à l’arrêt, Varvara a décidé de mettre à profit sa passion pour la peinture décorative traditionnelle ukrainienne sur les structures en métal, ces nouvelles « toiles modernes ». Sur la place Maïdan, sous le regard intrigué des badauds, la trentenaire peint pendant de longues heures à l’aide d’un pinceau en poil de chat, très fin et traditionnel. Des motifs de baies rouges, la kalyna, symbole de l’Ukraine, se dessinent délicatement sur les poutres métalliques rouillées.
« La culture est la base du développement d’une nation, c’est encore plus important en temps de guerre qu’en temps de paix, car c’est elle qu’on défend, assure Varvara, habillée en chemise blanche tachée de peinture, un collier traditionnel au cou. Je voulais montrer que l’Ukraine a le choix de sa propre identité. » Ce style de peinture, appelé « Petrykivka », d’après le nom d’un village près de Dnipro, est classé au patrimoine mondial de l’Unesco. Après avoir vu son travail, la municipalité lui a mis à disposition plusieurs employées. Derrière elle, des mamies en bleu de travail peignent les premières couches.
« Chacun doit faire sa part. Pour nous, c’est tenir le front culturel », assure l’artiste. Depuis le début de l’invasion, tous les domaines de la culture se mobilisent dans tout le pays, créant sans relâche pour donner du sens à la tragédie.
À Lviv, dans le théâtre de marionnettes qui servait de lieu d’accueil pour les réfugié·es, des artistes locaux et de Marioupol ont présenté une nouvelle pièce sur le siège brutal de la ville portuaire, aujourd’hui détruite à 90 %. À Kyiv, le vibrant milieu de la techno, qui donnait à la capitale son surnom de « nouveau Berlin », organise des concerts caritatifs de jour, faute de pouvoir ouvrir la nuit avec le couvre-feu. Dans la capitale encore, un musée expose des plasticiens, une plateforme pour réfléchir à la guerre et à son impact sur la société ukrainienne.
L’art comme thérapie collective
Le milieu de la musique n’est pas en reste. À la radio, il est rare d’entendre une chanson qui ne parle pas du conflit. Se succèdent un morceau de rock sur le siège de Marioupol et un chant martial datant de 1914 remixé par un chanteur pop ukrainien qui a rejoint l’armée. La chanson a été reprise par Pink Floyd au début de l’invasion.
La musique ukrainienne s’exporte. En mai, le groupe de rap Kalush a même gagné l’Eurovision. La production culturelle liée à la guerre existait...
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