A l’appel de la Fédération Nationale des Arts de la Rue (FNAR) et de ses fédérations régionales, une Manifestive (contraction de “manifestation” et de “festive”) a réuni plusieurs centaines de personnes à Aurillac ce 18 août, pour montrer la détermination des artistes, des publics et des habitants à ne pas accepter la disparition du fameux festival d’Aurillac, principal festival en France et en Europe pour les arts de la rue et de l’espace public.
Second été noir pour les arts de la rue
Il faut dire que les arts de la rue traversent leur second été noir. En 2020, face à la situation sanitaire et en l’absence de vaccins, la plupart des manifestations culturelles ont été annulées. Mais 2021 n’est pas plus faste pour les artistes de l’espace public. Face aux mesures draconiennes exigées des festivals pour sécuriser les événements, beaucoup ont dû jeter l’éponge.
Cela constitue une menace pour l’avenir même de ce secteur : au-delà du manque à gagner lié aux annulations, qui peuvent mettre des compagnies en difficulté, et fragiliser les diffuseurs, c’est toute la dynamique de la création et de la diffusion qui est menacée. Ces festivals sont des moments indispensables, non seulement parce qu’ils sont le lieu de la rencontre entre les œuvres et le public, mais encore parce qu’ils permettent aux programmateurs de repérer les spectacles qu’ils vont acheter. Sans festivals, les créations récentes risquent de ne pas tourner, et de finir aux oubliettes. Pour couronner le tout, les cachets qui ne sont pas versés parce que les spectacles n’ont pas lieu vont poser des difficultés aux interprètes, qui vont avoir du mal à renouveler leur statut d’intermittents.
La détermination des équipes, des directions, en synergie avec les collectivités locales, ont permis de sauver quelques événements. Même si, souvent, les dispositifs ont été complètement revisités pour tenir compte des contraintes réglementaires. Mais ces dernières sont tellement fortes que certains festivals, notamment ceux qui n’ont pas assez de moyens humains et budgétaires pour y faire face, préfèrent ajourner leur événement. Même Chalon Dans La Rue, qui est l’un des festivals les plus importants du secteur, a failli ne pas se faire. C’est une volonté politique forte qui l’a sauvé. Mais les difficultés ont été telles que l’un des deux co-directeurs, Pierre Duforeau, a annoncé son intention de démissionner.
L’annulation de trop
C’est dans ce contexte que le représentant de l’Etat dans le département du Cantal a contraint l’association Éclat à annuler le festival d’Aurillac. Les organisateurs avaient pourtant fait un certain nombre de concessions. Le festival devait se faire selon un dispositif exceptionnel, entièrement revu, un peu comme celui que Chalon avait mis en place un mois plus tôt : l’association Éclat avait prévu “deux rendez-vous, d’une durée de 3 jours, [qui] rassemblait une dizaine de compagnies programmées et 80 compagnies de passage dans des lieux clos, contrôlables et répondant aux protocoles sanitaires et sécuritaires”. Malgré cela, “les autorités préfectorales nous ont indiqué qu’elles ne pouvaient pas autoriser la tenue de cette manifestation en l’état”, précise le communiqué de l’association Éclat.
Le préfet s’est expliqué sur sa décision dans la presse. Il précise que les mesures prises par l’organisateur lui paraissaient prendre “insuffisamment en compte les impératifs sanitaires et de sécurité publique”, notamment les impératifs liés au plan Vigipirate. Ce qui lui posait problème, dans le dispositif proposé, était le fait que deux week-ends consécutifs de spectacles étaient ouverts au public. Cela lui faisait craindre de trop grandes difficultés à “maîtriser l’affluence générée par les spectacles”. En somme, la préfecture était prête à ce que les représentations aient lieu, tant que le public n’y assistait pas. Dans ces conditions, Frédéric Rémy, le directeur du festival, a fini par prendre à contre-coeur la décision d’annuler.
Dans un premier temps, des artistes et organisateurs de festivals ont rendu publique une “déclaration de Saint-Amand”, le lundi 12 juillet à Saint-Amand de Coly lors du festival “Saint-Amand fait son intéressant !”. Dans des termes forts, les signataires dénonçaient un “choix liberticide” menant à une “destruction culturelle”, à mettre au regard d’un “droit de pratiquer ces rituels urbains” qui n’est pas sans rappeler notamment la notion de droits culturels, consacrée par le droit français et international. La déclaration se finissait sur un appel à “un mouvement de contestation radical et pacifique”.
Suite à son Assemblée Générale le 21 juillet, la FNAR a lancé un appel rendu public le 11 août, invitant toutes les personnes intéressées à se réunir à Aurillac à la date du 18 août, pour une manifestation surnommée “Grande Manifestive”. Le mot d’ordre était “la défense des libertés dans l’espace public”. Le communiqué de la Fédération soulignait le caractère “arbitraire” des décisions prises par les autorités alors même que la profession s’adaptait “du mieux [qu’elle] pouvait” en faisant preuve de “bonne volonté”. L’objectif était de “réaffirm[er] les libertés d’expression, de création et de circulation dans l’espace public”.
Un rendez-vous sous haute surveillance
Ce 18 août, des centaines de personnes ont convergé sur le centre-ville d’Aurillac. Le cortège s’est constitué place Michel Crespin, devant un mur d’enceintes rappelant le dispositif des free party, avec un concert surprise – et bénévole, précise l’intéressé – de Didier Super, et des prises de parole de nombreux artistes.
Les mots de Jean-Georges Tartar(e), figure tutélaire des arts de la rue disparu au début du mois d’août, lus par Nadège Prugnard et Jean-Marie Songy (ancien directeur du festival), ont résonné sur la place : “Le monde va mal, tant pis, j’irai seul au combat. Seul je monterai à l’abordage du sanctuaire de la peur et de la tyrannie, seul, ...
Lire la suite sur toutelaculture.com