Le système original du cinéma français, incongru d’un point de vue nord-américain, consiste en une série de distorsions du marché destinées à préserver et à renforcer le financement des films. Un choix politique payant en tant que facteur de rayonnement culturel, analyse, dans une tribune au « Monde », le sociologue Olivier Alexandre.
Le Festival de Cannes de 2023 a replacé le système français du cinéma au cœur des débats. Revenir sur la construction de ce modèle permet de mieux mettre en lumière ses contradictions. Sa singularité repose sur un principe économique.
La taxe spéciale additionnelle, créée en 1948, constituait initialement une réponse à l’arrivée massive des films américains sur les écrans d’après-guerre. Toute entrée réalisée sur le territoire fait l’objet depuis lors d’un prélèvement de 11,6 %, soit un transfert de ressources depuis l’industrie hollywoodienne (et les cinémas du monde) vers le cinéma français.
Le Centre national de la cinématographie (CNC), en tant qu’administration de tutelle, redistribue la somme récoltée aux représentants de la filière française, à la condition que ces derniers engagent un nouveau projet. Il s’agit en cela d’un dispositif protectionniste et productiviste
Taxe imposée aux diffuseurs
La crise de fréquentation des années 1980 fut l’occasion d’une refonte de ce système. Les recettes d’exploitation couvraient jusqu’à cette période 80 % des besoins de financement. Mais la chute des entrées (de 201,1 millions de spectateurs en 1982 à 116 millions en 1992 selon un rapport d’information du Sénat de mai 2003) fragilisa la production.
Les négociations entre haute administration, dirigeants des chaînes de télévision et patronat du cinéma permirent la mise en place de nouveaux leviers : une taxe et des obligations d’...
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