Le CNM est aujourd'hui largement financé par une taxe sur la billetterie des spectacles. Les majors du disque et les plateformes ne veulent pas entendre parler d'une taxe sur le streaming payant pour compléter le financement.
Les prochains mois seront cruciaux pour l'avenir du Centre national de la musique (CNM), même si le ministère de la Culture a choisi par prudence de ne pas trancher sur son financement pour 2023. Cet établissement public, appelé de ses voeux par la filière depuis des années pour préserver la diversité musicale, et créé le 1er janvier 2020, va-t-il déjà devoir réduire la voilure par manque de moyens ? Inspiré du Centre national du cinéma et de l'image animée, qui met à contribution tout le secteur pour défendre le cinéma français, le CNM a été lancé sans que les professionnels ne s'accordent sur son financement. Si les fonds exceptionnels déversés par l'Etat pendant la pandémie de Covid-19 ont occulté le problème, les divergences de vues éclatent à présent au grand jour.
Le CNM repose actuellement sur trois ressources : une taxe sur la billetterie des spectacles qui devrait rapporter 30 millions en 2023, contre 35 millions en 2019, compte tenu de la reprise incertaine ; une enveloppe de l'Etat de 26 millions pour couvrir les frais de fonctionnement du CNM (18 millions) et contribuer aux soutiens transversaux ; et une aide des organismes de gestion collective des droits, évaluée initialement à 7 millions mais ramenée à 1,5 million par la crise sanitaire et par une jurisprudence européenne de 2020 qui contraint ces organismes à rétrocéder 25 millions par an à des ayants droit américains au détriment de projets artistiques locaux.
Une vaste coalition
C'est essentiellement le spectacle vivant, pourtant touché durablement par la pandémie, qui met au pot dans le budget du CNM. Mais ce dernier est loin de disposer des 80 millions annuels nécessaires à ses missions d'accompagnement de toute la filière.
La musique enregistrée, en bonne forme, fait figure de grande absente, dénonce une vaste coalition pour réclamer une taxe de 1,5 % sur les revenus du streaming payant (Spotify, Apple, Amazon, Deezer, Qobuz) et gratuit (Facebook, TikTok, YouTube). On y trouve les producteurs de spectacle (Prodiss), les structures non lucratives des musiques actuelles (SMA), des labels indépendants (UPFI) dont les poids lourds Believe, Because, Wagram, des organismes de gestion collective (Sacem…), les éditeurs (CSDEM), la musique classique (Profedim, Fevis), les interprètes… Du jamais-vu.
Taxe logique
Pas de quoi convaincre cependant les majors (Universal Music, Warner, Sony) représentées par le SNEP, alliées aux plateformes, qui refusent la taxe sur les revenus du streaming payant et proposent une taxation du streaming vidéo. La raison ? Elles estiment que la musique enregistrée n'a pas de marges de manoeuvre car sa TVA est à 20 %, contre 5,5 % pour le spectacle vivant.
Les majors ajoutent qu'elles financent déjà un circuit de soutien à son industrie via les organismes de gestion collective et que la gouvernance pour répartir les aides équitablement n'est pas en place au sein du CNM .
« Les majors sont les premières bénéficiaires des revenus du streaming, lesquels proviennent principalement des artistes internationaux et des fonds de catalogues, à l'inverse de la nouveauté française, qui rapporte peu », rétorque Pascal Nègre, longtemps à la tête d'Universal Music France. « Cette taxe est logique : ce n'est quand même pas au spectacle, en souffrance, de financer la musique enregistrée alors que le marché du streaming explose et va doubler dans les cinq ans », estime-t-il.
Au vu des titres les plus écoutés, « cette contribution serait en effet supportée aux trois quarts par le répertoire international, propriété des majors, et par les fonds de catalogue français dont les coûts ont déjà été amortis », confirme Guilhem Cottet, directeur général de l'UPFI. « Certains de mes adhérents, comme Wagram - dont l'artiste Orelsan est un succès de streaming -, se verraient taxés aussi, comme les majors, mais cela leur paraît vertueux pour financer la production de nouveautés françaises », ajoute-t-il.
Potentiel de 21 millions
En outre, les plateformes musicales par abonnement reversant chaque année 70 % de leurs revenus aux ayants droit de la musique, elles ne supporteraient la taxe que sur les 30 % restants argumentent ses défenseurs. Pas la mer à boire pour les uns, mais beaucoup pour les autres : sur un chiffre d'affaires de 1,4 milliard d'euros, cette contribution générerait 21 millions pour le CNM.
Les partisans de cette taxe estiment que le consommateur a peu de risque de voir son abonnement réévalué car les plateformes incluent dans leurs contrats une clause répercutant toute nouvelle taxe sur les redevances versées par les labels. « On demande juste un geste de mutualisation...
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