Dans ce marché dérégulé du spectacle vivant, aucune tutelle ne chapeaute les directeurs de lieux.
Près de 1 600 spectacles et 33 000 levers de rideau, 138 salles qui turbinent du matin au soir pendant trois semaines, 300 000 personnes (au moins) qui passent par les rues d’Avignon, des centaines de milliers d’affiches accrochées de manière sauvage et des centaines de milliers de tracts distribués, des centaines de compagnies qui viennent de partout avec leurs décors, et des températures caniculaires… L’équation de la transition écologique n’est pas simple, pour le Festival « off » d’Avignon.
Harold David et Laurent Domingos, les coprésidents de l’association Avignon Festival & Compagnies (AF & C), en ont conscience. D’autant plus que leur rôle est limité : le « off » d’Avignon est un marché dérégulé du spectacle vivant, et aucune tutelle ne chapeaute les directeurs de lieux. Aucun bilan carbone n’a été, à ce jour, établi pour le festival. Mais les deux hommes se disent prêts à faire avancer les choses. « Les théâtres du “off” sont dans une logique individuelle, donc on a fait le choix de travailler, en lien avec la mairie d’Avignon, sur les questions qui sont à notre portée : la mobilité, la gestion des déchets, la numérisation des outils de communication et l’affichage, qui est la plus symbolique, même si ce n’est pas forcément la plus problématique en termes d’émission », expliquent-ils.
Sur la mobilité, des discussions sont en cours avec la SNCF pour tenter de la convaincre d’un allongement des horaires de train en soirée pour la région Sud, comme la région Occitanie a réussi à l’imposer. « On a des études qui montrent qu’il y a une vraie demande, et que ce ne serait pas absurde », plaide Laurent Domingos. Le bureau du « off » travaille aussi, conseillé par Samuel Valensi, du Shift Project, sur l’organisation d’un système de fret ferroviaire mutualisé pour les décors des compagnies. « L’axe Lille-Paris-Lyon-Avignon regroupe près des deux tiers des compagnies, cela aurait du sens. »
60 tonnes de papier
Sur l’affichage, sujet qui cristallise les critiques, les deux hommes réfléchissent aussi à des alternatives. « Il ne s’agit pas de le supprimer complètement, mais de lutter contre l’affichage sauvage, et de le repenser. Le folklore, c’est une chose qui se renouvelle. L’affichage pourrait être pensé comme un décor, à l’image de ce qu’ils ont fait au Festival d’Edimbourg (Ecosse), et qui est très réussi. » Il semblerait que la ville d’Avignon soit hautement favorable à une telle solution, et pour cause : à l’issue du festival, ce sont 60 tonnes de papier qui doivent être traitées. Cette tâche occupe la centaine d’agents d’entretien de la mairie pendant l’intégralité du mois d’août.
Le « off » va aussi baisser le nombre de catalogues papier distribués (100 000 en 2022), pour privilégier le numérique, et encourager les salles à s’équiper en éclairages LED. Mais le sujet qui fâche, plus encore que l’affichage, c’est celui de la climatisation. Avec des températures comprises entre 35 degrés et 40 degrés dans la journée, comme ce fut le cas en 2022, impossible de jouer sans rafraîchir les salles.
Or, selon des études, l’utilisation de la climatisation ferait augmenter de deux degrés la température de la ville pendant le festival. Le bureau du « off » préconise le passage à des systèmes de refroidissement plus écologiques, mais ne se fait aucune illusion sur le sujet. « Le passage à ces systèmes plus vertueux ne sera pas éligible à des aides publiques, et dans ces conditions les salles ne changeront pas d’équipement. »
L’idée d’observer une « pause méridienne » de midi à 17 heures, lancée fin octobre par la militante écologiste Anne Laroutis sous forme de pétition, a reçu...
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