Ébranlée par la chute de la fréquentation, une très grande partie du cinéma français se réunit à l’IMA ce jeudi 6 octobre pour appeler les pouvoirs publics à organiser urgemment des états généraux du cinéma.
Moribond, le cinéma français ? Certainement pas ! En difficulté, oui, dans une tempête à très forts creux, absolument (7,38 millions d’entrées le mois dernier, soit le plus bas niveau enregistré pour un mois de septembre depuis 1980, selon les chiffres du CNC), mais plus que jamais vivant, divers, bigarré, puissant.
Revoir Paris, de la réalisatrice Alice Winocour, a cumulé près de 400 000 entrées en troisième semaine d’exploitation, quand Rebecca Zlotowski, avec Les Enfants des autres, réalise le meilleur démarrage de sa carrière, peu de temps avant la sortie de Saint Omer, d’Alice Diop, choisi pour représenter la France aux Oscars et récompensé par le Lion d’argent à la Mostra de Venise (en salles le 23 novembre). Allez, un dernier pour l’exemple : La Nuit du 12, thriller de Dominik Moll sur un féminicide non élucidé, approche également les 500 000 entrées.
Tout mettre à plat
Pour autant, l’inquiétude ronge, à juste titre, le milieu, face aux salles en souffrance. Un appel aux états généraux a ainsi été lancé pour interpeller les pouvoirs publics, d’abord, sous la forme d’une tribune publiée dans Le Monde en plein Festival de Cannes, en mai, et avant le renouvellement controversé de Dominique Boutonnat à la tête du CNC, signée par les réalisateurs et réalisatrices Olivier Assayas, Arnaud Desplechin, Mati Diop ou le producteur Saïd Ben Saïd.
L’appel a enthousiasmé une grande partie de la profession. À tel point qu’ils se réuniront (presque) toutes et tous, pour afficher détermination et volonté de sauver le joyau fragile que représente le cinéma français. Le raout a lieu ce jeudi 6 octobre à partir de 13h30, à l’Institut du monde arabe (Paris 5e), où vont se succéder sur scène divers représentants d’organisations et de professionnels du cinéma. Dans la salle, des ami(e) s, présent(e) s en soutien, et le public civil, bienvenu. Soit un gros, très gros morceau du cinéma français. Déjà, ça bouillonne. Le nombre d’inscrits dépasse largement les quatre cents places disponibles… au risque de déborder, de chauffer, peut-être même, d’ébouillanter, et c’est tant mieux. L’essentiel : être entendus.
On y parlera donc chronologie des médias, financement, disparition de certaines cinématographies, création, œuvres, diffusion, CNC – absent de cette journée de mobilisation –, concurrence des plateformes et éducation à l’image auprès des jeunes, de plus en plus délaissée.
« On est à un carrefour important de nos métiers, il est temps de tout mettre à plat, résume Étienne Ollagnier, patron, avec Sarah Chazelle, de la maison de distribution Jour2Fête, et coprésident, avec Jane Roger, du Syndicat des distributeurs indépendants. Tout au long de ces quatre heures de discussions, on va poser des états de fait. Les propositions de solutions seront en revanche réservées aux états généraux, s’ils sont bien convoqués par les pouvoirs publics avant la fin de l’année, comme nous l’espérons. Avec cet appel, on souhaite aussi casser un certain nombre d’idées reçues et dévastatrices, comme le fantasme selon lequel nous sommes dans un système ultra subventionné alors que c’est aussi très vertueux, ou la question du prix des places de cinéma, au cœur des débats actuels. Surtout, on veut proclamer que le cinéma n’est pas mort ! »
Un avis partagé par la productrice Judith Lou-Lévy (Atlantique, de Mati Diop, ou Le Genou d’Ahed, de Nadav Lapid) : « Cet après-midi d’octobre est fait pour interpeller les pouvoirs publics. La profession a besoin de verbaliser un vécu, pour poser des questions et des pistes de réflexions. Dire que le cinéma est mort, c’est scier la branche sur laquelle on est assis. Notre cinéma rafle plein de prix en festivals, il est bien puissant. » Malgré ce constat, elle ne peut totalement balayer l’angoisse latente, bien réelle, et justifiée, d’un revers de la main. « Le sentiment partagé, c’est qu’il ne sert pas à grand-chose de travailler aujourd’hui sur des films si on n’est pas sûrs qu’ils puissent vivre dans trois ans. C’est une course contre la montre. Le temps presse avant que nous ne basculions définitivement dans un univers rempli par le gaming, le e-sport, et le métaverse. Est-ce que la France a envie de renoncer à son cinéma, à ses salles de cinéma ? »
“Le cinéma a déjà traversé de grandes crises.”
Pour soutenir ces salles, techniciens, acteurs, distributeurs, exploitants, producteurs, mais aussi, bien sûr, plusieurs réalisatrices et réalisateurs, seront présents lors de cette journée : Pierre Salvadori, Rebecca Zlotowski, Lucas Belvaux, très probablement Jacques Audiard, mais aussi Axelle Ropert, membre de la SRF (Société des réalisateurs de films). Cette dernière assure qu’il y a « une très forte solidarité autour de cette journée, et nous espérons qu’elle aboutira à des pistes concrètes de travail...
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