Le directeur musical du Théâtre du Bolchoï et de l’Orchestre national du Capitole se dit contraint de démissionner, victime de la « culture d’annulation ».
Silencieux depuis le début de la guerre en Ukraine, le chef d’orchestre russe Tugan Sokhiev a finalement décidé de renoncer à ses mandats aussi bien en Russie qu’en France. « J’ai décidé de démissionner de mes fonctions de directeur musical du Théâtre du Bolchoï à Moscou et de l’Orchestre national du Capitole à Toulouse avec effet immédiat », a annoncé le musicien, dimanche 6 mars. Dans une lettre adressée à son agent, Sylvie Bouchard, puis publiée sur Facebook, ce chef mondialement reconnu, né en Ossétie du Nord en 1977, précise : « Je serai toujours contre tout conflit sous quelque forme que ce soit. » Et ajoute : « Nous, musiciens, sommes là pour rappeler à travers la musique de Chostakovitch les horreurs de la guerre. Nous, musiciens, sommes les ambassadeurs de la paix. »
Nommé à la tête de l’Orchestre national du Capitole (ONCT) en 2008, Tugan Sokhiev devait se produire à Toulouse les 18 et 25 mars. Pressé la semaine passée de s’exprimer sur le conflit par la mairie de Toulouse, le chef d’orchestre a répondu en mettant un terme à tous ses contrats et responsabilités. « Il m’est impossible de choisir entre mes musiciens russes et français bien-aimés. On me demandera bientôt de choisir entre Tchaïkovski, Stravinsky, Chostakovitch et Beethoven, Brahms, Debussy, dénonce-t-il. Je ne peux pas supporter d’être témoin de la façon dont mes collègues, artistes, acteurs, chanteurs, danseurs, réalisateurs, sont menacés, traités de manière irrespectueuse et victimes de la “culture d’annulation”. »
Renommée mondiale
Diplomé du conservatoire de Saint-Pétersbourg en 2001, le Russe était devenu rapidement chef principal de l’Orchestre symphonique de Russie et directeur artistique de l’Orchestre philharmonique d’Ossétie du Nord. Il a, depuis, dirigé les plus grands orchestres, tels que les Philharmonies de Londres, Munich, Stockholm, Berlin ou encore Oslo. Reconnu unanimement pour ses interprétations de Prokofiev ou de Rachmaninov, il avait pris à Toulouse la succession de Michel Plasson, maintenant la renommée mondiale de l’Orchestre du Capitole, donnant des centaines de concerts dans sa salle fétiche de la Halle aux grains. Dans la Ville rose, il avait d’ailleurs lancé en 2019 les Musicales franco-russes, un festival de musique classique dont l’édition 2022 n’a pas été reconduite.
Le contrat de Tugan Sokhiev avec la Ville devait s’achever en juin 2022. « Ce festival est aujourd’hui contesté par les autorités de la ville de Toulouse. C’est dommage », commente Tugan Sokhiev, qui ajoute que « tant à Toulouse qu’au Théâtre du Bolchoï, j’invitais régulièrement des chanteurs et chefs d’orchestre ukrainiens. Nous n’avons jamais pensé à nos nationalités. » Le maire (Les Républicains) Jean-Luc Moudenc, dont la ville est jumelée avec Kiev, a réagi en respectant « la volonté de Tugan Sokhiev de mettre fin avec trois mois d’avance à notre collaboration »...
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