L'un des bras armés les plus longtemps attendus de la politique culturelle française a vu le jour début 2020, pour se trouver immédiatement placé en première ligne par la crise sanitaire et économique. Rencontre avec son président, Jean-Philippe Thiellay.
C'était l'un des plus vieux serpents de mer des institutions françaises. Dès les années 1970, Marcel Landowski rêvait de troquer son fauteuil au ministère contre la direction d'un Centre national de la musique et de la danse, bâti sur le modèle de son homologue pour le cinéma. Enterré une première fois, il ressortit des cartons (sans la danse) sous le mandat de Nicolas Sarkozy, pour y retourner sous celui de son successeur. Emmanuel Macron l'accoucha, assisté de Françoise Nyssen puis Franck Riester. Depuis le 1er janvier, un Centre national de la musique, ouvert à tous les répertoires, reprend donc les missions de l'ancien Centre national de la chanson, de la variété et du jazz (CNV). Il doit fusionner avec quatre autres associations, le Bureau export, le Fonds pour la création musicale (FCM), le Club action des labels et disquaires indépendants français (Calif) et le Centre d'information et de ressources pour les musiques actuelles (Irma).
Habitué à traiter prioritairement avec le ministère de la Culture et les collectivités territoriales, le monde musical classique et contemporain a d'abord regardé le nouveau-né avec des sentiments ambivalents. Un guichet supplémentaire est toujours bon à prendre, mais les partenaires traditionnels n'allaient-ils pas en profiter pour fermer leur bourse ? Même le profil de son président entretenait cette crainte. La rumeur attribuait à l'insistance d'un ancien condisciple de l'ENA, le Premier ministre Edouard Philippe, le choix de Jean-Philippe Thiellay (et non de la préfiguratrice du projet, Catherine Ruggeri), moins connu pour son amour du rock que du bel canto italien et de l'opéra français, auxquels il a consacré quelques livres remarqués, tout en dirigeant l'Opéra de Paris en tant qu'adjoint de Stéphane Lissner cinq ans durant.
Neuf mois et une pandémie plus tard, le bébé impressionne par sa croissance : alors que le budget du CNV avoisinait 35 millions d'euros et que les premières projections pour le CNM ne dépassaient pas 50 millions, ce sont 210 millions qui lui seront alloués par l'Etat sur les années 2021 et 2022, dans le cadre du plan de relance du secteur culturel - la perception de sa principale ressource antérieure, la taxe fiscale sur les spectacles de variété, est toutefois suspendue depuis le début de la crise. Quant à Jean-Philippe Thiellay, son engagement et sa réactivité dans ces circonstances exceptionnelles ont rapidement conquis ses interlocuteurs, même si les inquiétudes quant à un désengagement de l'Etat qui suivraient la relance sont loin d'être dissipées.
Comment élargit-on en quelques mois aux musiques dites savantes un périmètre limité jusque-là aux répertoires populaires ?
Jean-Philippe Thiellay : Idéalement par la concertation, mais partiellement dans l'urgence ! Dès le mois de mars, nous avons dû adapter notre fonds de secours afin d'éviter les faillites. Sur le millier de structures aidées, près de 15 % relèvent de ces esthétiques - particulièrement des ensembles et festivals, évidemment plus fragiles que les orchestres et théâtres. Dans le même temps, il fallait élargir nos instances aux représentants du classique. C'est chose faite pour le conseil professionnel depuis le mois d'août, en cours pour les commissions chargées d'attribuer les aides. Nos missions générales sont fixées par nos statuts : favoriser la création, la diversité des interprètes et des publics, l'innovation des techniques et des pratiques, le développement international. Mais seuls les professionnels en prise directe avec le terrain sont à même de les incarner dans des procédures adaptées.
Où en est-on des inquiétudes de ces professionnels, et même des services de l'Etat dans les Directions régionales des affaires culturelles (Drac), qui avaient craint l'an dernier de voir leurs « conseillers musique » subordonnés au CNM ?
J.-P.T. : Il ne m'appartient pas de décréter qu'elles sont toutes dissipées. Je crois néanmoins que la répartition des rôles ne pose plus question. Les subventions de fonctionnement demeurent du ressort du ministère et des collectivités territoriales, tandis que le CNM intervient sur
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