Se dotant d’un fonds spécial, la mairie de Paris entend œuvrer activement à la pérennisation de lieux culturels menacés par la pression du foncier.
Ce n’était pas arrivé depuis 2003 et le sauvetage de la mythique salle du Louxor à Barbès (Paris XVIIIe). A peine réélue, l’équipe d’Anne Hidalgo (PS) a préempté le Lavoir moderne parisien (LMP), théâtre mettant en avant la jeune création, et négocie actuellement le rachat de la Flèche d’or, salle fermée depuis 2016. S’opère un réel changement de paradigme à l’égard des lieux culturels parisiens menacés par la pression du foncier, qui arrive à point nommé. Nombre d’acteurs malmenés par la crise sanitaire pourraient en effet mettre la clef sous la porte.
En lutte pour sa survie depuis plus de dix ans, le Lavoir moderne parisien «peut enfin respirer». Décrit par Zola dans l’Assommoir, cet ancien lavoir devenu théâtre en 1986 a essuyé de nombreuses crises : coupe de subventions, grève de la faim du fondateur, Hervé Breuil, incendie des locaux des Femen installées à l’étage, liquidation judiciaire… En 2012, la salle de quartier et l’immeuble mitoyen sont rachetés par une holding luxembourgeoise administrée par Pierre Bastid, un homme d’affaires français richissime, n’ayant que faire du spectacle vivant. Les deux parties s’enlisent dans des procédures judiciaires interminables. Selon le Monde, «pour rentabiliser son achat, le propriétaire envisageait de surélever les deux bâtiments, tout en gardant l’activité théâtrale.» Début 2020, la société jette l’éponge, revendant le bâtiment. La municipalité préempte le bien pour une somme de 2 millions d’euros, se prévalant d’une mission d’intérêt général : la création de logements sociaux dans l’immeuble voisin. Un rachat qui a un goût de victoire pour Julien Favart, directeur du LMP : «Il va falloir désormais inventer avec les services de la mairie un modèle semi-privé. Nous ne serons pas un théâtre municipal mais nous travaillerons ensemble sur un projet culturel ambitieux.»
Négociations
Elle était une scène underground avant de se vouloir, les années précédant sa fermeture, moins aventureuse. La Flèche d’or, ancienne gare de la petite ceinture reconvertie dans les années 90 en salle de concerts, a comme le LMP échappé à plusieurs projets de transformation : pub irlandais O’Sullivans, restaurant, commerce de bouche… En 2018, la salle parisienne du XXe arrondissement est acquise par Keys Asset Management. La société d’investissement travaille main dans la main avec Mama Shelter, chaîne d’hôtels à succès qui espère concilier luxe et low-cost dans une ambiance «cool et branchée avec graffitis sur les murs».
Alors qu’en novembre 2019, le propriétaire ouvre ses portes pour «un brainstorming participatif», la Flèche d’or est envahie par une foule de militants. Gilets jaunes, écologistes, défenseurs du droit au logement, des sans-papiers ou des LGBTQI occupent le bâtiment et y décrètent la fondation d’une «Maison des peuples» avant d’être expulsés le lendemain par les forces de l’ordre. Le conseil municipal émet alors un vœu pour défendre l’ancienne gare comme «symbole de l’histoire populaire» du quartier. Avec le propriétaire, des représentants de la mairie du XXe et des habitants, la ville lance rapidement un appel à projet pour une occupation temporaire.
Confinement oblige, les lieux n’ouvriront que fin août sous l’impulsion de plusieurs collectifs (1) qui espèrent y créer, au moins pour un temps limité, un espace de débats, un lieu de création artistique ou encore un bar associatif «grâce à une gouvernance collective et participative» faisant «une place spécifique aux groupes minorisés et aux thématiques sociales actuelles». Conséquence heureuse de la crise sanitaire : Keys Asset Management est prêt à vendre son bien à la ville, assure Frédéric Hocquard, adjoint en charge du tourisme et de la vie nocturne. Des négociations sont en cours. On parle également...
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