Le 26 mai, à l’occasion de la commission plénière de l’assemblée régionale, vous avez, monsieur le président de la région Auvergne-Rhône-Alpes, fait entériner par un vote des coupes budgétaires sans précédent pour plus de 140 structures culturelles réparties sur tout le territoire aurhalpin.
Ces coupes, qui n’ont fait l’objet d’aucune concertation avec les directions des structures concernées, ni même avec les cofinanceurs de ces structures que sont l’Etat et les autres collectivités territoriales, ont provoqué la stupeur dans le secteur de la culture et dans la classe politique jusque dans les rangs de votre majorité.
Pour faire face à ces critiques et pour justifier ces arbitrages, vous avez rétorqué dans la presse que la région était souveraine et qu’il n’y avait pas de « rente ». Si votre légitimité à faire des choix n’est pas contestable, l’emploi de ce terme de « rente » est pour le moins questionnant.
Ce que vous qualifiez de « rente »
Je m’étonne d’avoir à vous le rappeler, mais pour la plupart des structures que vous avez décidé d’amputer de tout ou partie de leurs subventions, ce que vous qualifiez de « rente » se nomme en réalité « subvention d’équilibre ». C’est-à-dire qu’il s’agit d’un financement reconductible qui contribue à garantir les conditions du bon fonctionnement d’un équipement culturel.
Ce que vous nommez « rente » est en réalité un investissement fait par la collectivité dans des outils qui représentent un bien commun. Par l’usage de ce terme, vous laissez volontairement entendre que nos structures tireraient un bénéfice particulier de la subvention. Vous feignez d’ignorer qu’elles sont redistributrices de cet argent public, en générant des emplois pérennes et intermittents, en soutenant la création de projets artistiques et en conduisant des missions de service public auprès de l’ensemble de nos concitoyens.
Voilà donc ce qui inquiète particulièrement à travers vos propos. Ces mots sont choisis pour désinformer l’opinion et pour disqualifier abusivement ceux qui s’opposent à vous. Ils sèment alors un doute profond sur votre conception de l’action publique, de la gouvernance des politiques culturelles et de l’usage du pouvoir.
Si vous êtes souverain, le dialogue social, lui, est un droit et un devoir en démocratie, que vous avez ici clairement piétiné. Un droit auquel les directions des structures les plus durement touchées par vos décisions se conformeront au moment de répercuter l’impact de vos décisions sur leurs activités et sur leurs équipes.
Par voie de presse
Vous avez, avec votre vice-présidente, contourné toutes les instances de dialogue. Le Comité régional des professions du spectacle [Coreps, l’instance de dialogue entre les professionnels du spectacle vivant, l’Etat et l’ensemble des collectivités territoriales] n’a même jamais été informé de votre volonté de redéployer le budget culturel de la région.
Tous les courriers, fermés ou ouverts, qui vous ont été adressés sont restés sans réponse. Les principaux acteurs, tout comme la plupart des élus locaux, ont ainsi découvert les baisses de subventions par voie de presse. Vos services eux-mêmes n’ont pas été écoutés, et leur expertise a ainsi été méprisée.
En procédant ainsi, sans concertation, sans anticipation, en remettant en cause au mois de mai des subventions d’équilibre engagées sur un exercice budgétaire déjà largement entamé, vous avez causé une déstabilisation qui relève de l’irresponsabilité politique, qui ne peut conduire qu’à des déficits de gestion.
Si, comme vous le dites, votre souhait est bien de « penser autrement » le déploiement de la politique culturelle régionale, la décentralisation de son action, sa répartition équitable sur le territoire de notre région fraîchement unifiée, il y avait là un enjeu sur lequel nous aurions pu trouver un terrain commun de réflexion, et vous auriez dû nous y associer. Tout comme vous auriez dû le faire avec l’Etat et les autres collectivités, qui, en matière de culture, sont les garants d’une coconstruction en bonne intelligence et sans partisanerie politique.
Concevoir une réelle vision
C’est en vous appuyant sur les compétences et les savoir-faire présents sur le terrain qu’il est possible d’évoluer. Nos contributions auraient pu vous aider à concevoir une réelle vision, au lieu de vous retrouver aujourd’hui dans une situation où vous n’avez rien à raconter de l’usage futur de ces crédits.
Pardonnez-moi de vous dire que justifier ces arbitrages, sous le prétexte d’un effort de solidarité afin de constituer un fonds de soutien « post-Covid », est peut-être une communication habile contre les critiques, mais cela n’a rien d’un projet. Il est même très malvenu de demander de faire cet effort à des structures qui auraient souhaité vous voir plus concerné par cette question, en pleine crise sanitaire, lorsqu’elles soutenaient les équipes artistiques, sans aucune aide de votre part, mais avec celle de l’Etat et de certaines municipalités...