C’est le quatrième lieu culturel repris par la Mairie en un an et demi, après, notamment, le Bataclan. Une opération de près de 7 millions d’euros.
Et de quatre. Après le Lavoir moderne parisien, La Flèche d’or et le Bataclan, la Ville de Paris s’apprête à mettre la main sur un nouveau lieu culturel en péril : le Tango, une boîte de nuit gay du Marais. Le projet a été validé, lundi 8 novembre, par le conseil de l’arrondissement du centre et devrait obtenir l’ultime feu vert des élus de la capitale lors du conseil municipal prévu du 16 au 19 novembre. C’est la première fois qu’une boîte de nuit parisienne passe ainsi sous contrôle public.
«Le Tango est sauvé, avec des logements en plus», se réjouit déjà Ariel Weil, le maire (PS) de l’arrondissement central. Car la Ville ne reprend pas seulement l’un des plus anciens bals de la capitale. Elle achète tout le petit immeuble situé 13, rue au Maire, dans le 3e arrondissement. Soit la salle du Tango au rez-de-chaussée et, dans les étages, huit logements, représentant environ 340 mètres carrés de surface habitable. Prix d’acquisition : 6,7 millions d’euros. La facture finale devrait, cependant, être plus lourde, compte tenu des travaux à prévoir, notamment pour ravaler la façade, revoir la toiture et améliorer peut-être l’isolation de certains appartements.
Est-ce le rôle d’une mairie d’acheter une boîte de nuit, surtout au moment où la crise rogne les marges de manœuvre budgétaires ? Sur le papier, l’opération vise avant tout à développer le logement social. Les huit appartements seront confiés à l’un des bailleurs sociaux dépendant de la ville, Elogie-Siemp, qui les louera à des prix inférieurs à ceux du marché. «On sauvegarde en plein Paris des logements qui risquaient, sinon, d’être transformés en bureaux ou en [locations] Airbnb», plaide Ariel Weil.
Si les élus de gauche se sont intéressés à ce dossier, cependant, c’est avant tout pour le Tango, ces 200 mètres carrés à l’histoire chargée de frissons. «Notre objectif, c’est de préserver de la diversité culturelle à Paris, explique Frédéric Hocquard, l’adjoint (Génération·s) chargé de la nuit et du tourisme. Si la Ville n’intervient pas, la tension foncière fait disparaître des petits lieux comme le Tango, la Flèche d’or ou le Lavoir moderne.»
Un «lieu-phare», une «institution»
C’est bien ce qui a failli arriver dans le Marais. Le 13, rue au Maire constitue un rendez-vous festif de longue date. Un cabaret, Au Roi de Sardaigne, y est recensé dès 1725, et la salle actuelle sert de guinguette depuis 1896. Bal musette auvergnat jusqu’aux années 1980, puis boîte branchée «noire», le lieu s’est transformé en dancing gay et lesbien à la fin des années 1990. Une boîte de nuit comme il n’en existe guère d’autres à Paris. Pas de musique techno surpuissante, de débauche de lasers, ni de «carré VIP». Un plancher en chêne. Un décor un peu kitsch. Des thés dansants associatifs, le dimanche. «Quand vous êtes un jeune LGBT, que vous arrivez à Paris, et que vous ne voulez pas aller dans un des grands lieux de clubbing, on vous conseille vite le Tango», souligne Gauthier Caron-Thibault, l’un des élus à l’origine du projet de rachat par la Mairie.
«Depuis 1997, cette boîte a toujours bien marché et gagné de l’argent», raconte le militant gay Hervé Latapie, son responsable depuis l’origine. Tout a basculé en 2020. Non seulement la crise sanitaire a contraint le Tango à fermer ses portes – elles le sont encore aujourd’hui. Mais la famille Carcassonne, propriétaire des murs, a mis en vente l’immeuble. Plusieurs acquéreurs se sont mis sur les rangs, dont le groupe SOS, numéro un français de l’économie sociale et solidaire, ainsi que plusieurs investisseurs immobiliers. L’un d’eux envisageait de remplacer le Tango par ...
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