Branle-bas de combat chez RX France. La RMN-Grand Palais a remis en appel d'offres les créneaux dévolus aux deux foires françaises à la suite de la candidature d'un probable concurrent international.
A mesure que l'échéance approche, la tension est palpable. Des galeries parisiennes montent au créneau pour défendre les deux grandes foires d'art françaises, la Fiac et Paris Photo , menacées d'être délogées du Grand Palais par un assaillant non identifié, ce qui signifierait leur arrêt de mort. Mais il est probable que ce soit un concurrent de stature internationale : Frieze de Londres ou Art Basel. Contactée par «Les Echos», la première foire d'art contemporain au monde, dans le giron du suisse MCH (dont le fils Murdoch, James, détient 49 %), qui a des antennes à Miami et Hong Kong, n'a voulu ni confirmer ni infirmer Tout comme Frieze, qui appartient à l'américain Endeavor, avec des pousses à New York et à Séoul. Seule la Tefaf de Maastricht qui fait une incursion dans l'art contemporain à New York, nous a démenti être à l'offensive.
En remettant en jeu, presque en catimini, les créneaux attribués aux deux fleurons tricolores (même s'ils appartiennent au groupe anglo-hollandais RX), la RMN-Grand Palais a pris de court l'écosystème de l'art, mobilisé désormais pour en dénoncer les risques auprès du ministère de la Culture.
Candidature spontanée
Le 8 décembre, l'établissement public à caractère industriel et commercial, à la suite d'«une lettre d'intérêt très étayée reçue fin novembre» selon son président Chris Dercon, publie un appel à propositions, en deux lots, pour l'organisation pendant sept ans au Grand Palais, aux dates habituellement dévolues à la Fiac et à Paris Photo, d'une manifestation internationale d'art contemporain en octobre et de photo en novembre.
Et pour ce contrat à 20 millions d'euros d'engagement ferme, les dossiers devaient être clos trois semaines après, le 31 décembre, pour un examen des candidatures cette semaine et une sélection du futur (ou des) occupant(s) le 10 janvier. Même si devant la levée de boucliers, la RMN Grand Palais parle maintenant d'une réponse «courant janvier», «je n'ai jamais vu des délais de consultation aussi courts et un avis aussi discret, qui plus est en pleine période de vacances de Noël. Etrange !» pointe Jean-Daniel Compain, longtemps chargé du pôle luxe de Reed France devenu RX France.
Etre réactif
«Il fallait être très réactif si l'on voulait qu'une foire d'envergure se tienne onze mois après», rétorque Emmanuel Marcovitch, directeur général délégué de la RMN-Grand Palais.
Le patron de RX France, Michel Filzi, engagé dans une action de référé-suspension devant le tribunal administratif, ne digère toutefois pas d'avoir été mis en concurrence avec un préavis de quelques jours alors qu'il est un partenaire historique du Grand Palais depuis plus de vingt ans avec la Fiac et depuis 2011 avec Paris Photo. En outre, la concession, par la Ville de Paris, du Champ-de-Mars, où est implanté le Grand Palais éphémère (GPE) en attendant que le bâtiment original achève ses travaux, prévoit l'accueil de la Fiac et de Paris Photo en 2022 et 2023, assure-t-il.
Tensions
Les tensions suscitées par l'exploitation complexe de cette construction provisoire lors de l'édition 2021, ou celles liées à l'annulation des deux foires en 2020 pour cause de Covid, ont-elles terni durablement les relations ? «Le Grand Palais nous a réclamé des indemnités substantielles alors que tous les parcs d'exposition acceptaient des annulations ou des reports», précise Michel Filzi qui a opposé à ces factures une fin de non-recevoir.
Mais le discours de Chris Dercon, réputé franc-tireur, est tout autre. «Avec le Brexit, Paris est redevenu une place très attractive pour l'art. Et alors que RX France annonçait réduire la voilure en fusionnant certaines directions de la Fiac et de Paris Photo, nous recevions une demande d'un acteur de grande visibilité, ambitieux en termes de marketing, de numérique, de développement durable, de ponts à créer avec les industries culturelles et créatives, le design, la mode, pour lesquels Paris est très excitante aussi.»
Puissance de tir
Si on peut imaginer que la puissance de tir d'Art Basel (qui a d'ailleurs débauché une experte de Christie's basée à Paris) pourrait contribuer au rayonnement de la capitale, ce choix ne serait pas sans conséquence pour le marché de l'art parisien, dont les galeries pourraient se trouver diluées dans ce mouvement de concentration des foires, tout comme la libéralisation des ventes aux enchères en 2001 a favorisé les multinationales Christie's et Sotheby's au détriment de Drouot.
«Alors que les galeries constituent le ferment des foires, que la Fiac ou Paris Photo sont des leviers économiques majeurs pour notre scène artistique, déjà frappée par la crise, nous n'avons pas été consultés», s'inquiète Georges-Philippe Vallois, président d'honneur du Comité professionnel des galeries d'art. «La RMN-Grand Palais est un établissement public sous tutelle du ministère de la Culture, associé aux décisions. La culture française est pourtant un enjeu mis ...
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