Avant, après, pendant les spectacles, ou par la grève, les équipes artistiques sont nombreuses à mettre en scène leur soutien au mouvement social.
Parfois, les événements en dehors du théâtre donnent aux pièces leur éclat le plus singulier. Mardi 21 mars, au théâtre des Amandiers de Nanterre, on joue devant une salle comble Le Dragon. La pièce d'Evgueni Schwartz, écrite comme une satire sur la servitude volontaire en démocratie, résonne étrangement avec l'actualité politique. Sur scène, l'air goguenard, les comédiens moquent le «peuple» trop soumis pour se soulever contre ses divers oppresseurs. Comme ce dragon à trois têtes, monstre terrifiant, puis l'inoffensif bourgmestre, qui organise un putsch. Lorsque ce dernier déclenche «le décret 49.3» pour s'octroyer les pleins pouvoirs, personne (sur scène) ne réagit. Drôle de télescopage avec l'actualité encore quand la pièce, dont certaines représentations ont été annulées lors des journées de mobilisation de l'intersyndicale, se conclut sur ce slogan: «Il faut la greffe générale!»
«On a légèrement modifié le texte de la pièce pour faire un petit clin d'œil à l'actualité», concède Thomas Jolly, le metteur en scène. S'il insiste sur le fait que c'est le propre des grands textes de parvenir à résonner aussi puissamment avec l'actualité, le directeur artistique des cérémonies des JO soutient publiquement le mouvement social. «Au-delà de nos corps de métier, il nous semblait important de prendre la parole sur cette réforme qui ne prend pas en compte l'opinion des gens, ni les cas particuliers de tous ceux qui ne peuvent pas continuer de travailler aussi longtemps», détaille-t-il. Un message contre la réforme est lu à l'issue de certaines représentations.
Dans d'autres théâtres parisiens, la contestation des metteurs en scène, comédiens et techniciens contre la réforme d'Emmanuel Macron, discrète au début, ne passe plus inaperçu. Aux Bouffes du Nord, Mélisande, réduction de l'opéra de Debussy, s'ouvrait avec des techniciens du spectacle, discours à la main, dénonçant cette réforme «injuste» pour tous ceux dont le travail abîme les corps. Tonnerre d'applaudissements dans la salle. Au théâtre de la Ville, à l'issue de la représentation de Dans la solitude des champs de coton, mis en scène par Kristian Frédric et Enki Bilal, on annonce «sa solidarité avec les grévistes». «En tant que compagnie invitée, on s'est dit qu'il fallait mieux jouer, mais nous avons décidé collectivement de dire qu'on était solidaires des gens qui faisaient grève», souligne Kristian Frédric.
Appels à la grève
Même procédé lorsque à la fin de Némésis , l'adaptation du roman de Philip Roth par Tiphaine Raffier présentée aux Ateliers Berthier, un technicien s'avance sur scène, au milieu des comédiens qui saluent, pour lire un texte contre la réforme adoptée aux forceps. Avant d'appeler à rejoindre les manifestations du 6 avril et à donner, pour ceux qui le peuvent, aux caisses de grève ouvertes dans le théâtre pour l'occasion.
La lecture de textes militants permet de trancher entre la volonté de voter une grève et celle de «délivrer» leur message artistique. «Nous sommes encore dans l'après-Covid avec des embouteillages de spectacles qui se poursuivent, dans cette période, ça n'est pas toujours facile pour les équipes de voter la grève», analyse Ghislain Gauthier, secrétaire général adjoint de la CGT Spectacles. «En tant que metteur en scène, on est amené à se demander si la grève est vraiment efficace, ou si au contraire, il est plus intéressant d'entamer un dialogue avec le public en maintenant les représentations», complète Cyril Le Grix, président du Syndicat national des metteurs en scène. «Cela dépend des situations et des pièces, estime pour sa part Thomas Jolly. Mais être en contact avec le public et faire entendre certains textes qui peuvent être éclairants a son importance.»
Lorsque le monde «toque à la porte»
Certaines équipes artistiques multiplient les stratégies pour apporter leur soutien à la mobilisation, au gré des évolutions du mouvement social. Lors des journées de mobilisation de l'intersyndicale, l'équipe de Noëmie Ksicova, metteuse en scène de Loss, présenté au Théâtre de la Ville, vote la grève. «La veille, nous avons...
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