Après de nouvelles mesures de restriction touchant les théâtres et les cinémas en Belgique, plusieurs d’entre eux ont décidé de maintenir leurs portes ouvertes. Un mouvement de désobéissance civile qui recueille un soutien quasi-unanime – y compris chez ceux chargés de faire appliquer la loi.
La décision a surpris tout le monde – à commencer par les 24 experts médicaux du GEMS, chargés d'assister le Comité de concertation (Codeco) belge, l'organe interministériel chargé de statuer sur les mesures à prendre durant la pandémie. Le 22 décembre, ledit comité a décidé de restreindre l’accès à plusieurs lieux publics pour faire face au nouveau variant Omicron. Parmi ceux-ci, les théâtres et les cinémas. Un choix ressenti comme une restriction bête et méchante par les institutions visées et qui apparaît pour beaucoup comme le résultat d’un marchandage politicien arbitraire.
INCOMPRÉHENSION GÉNÉRALE
De fait, personne en dehors du comité n’arrive à justifier une telle décision. Le personnel politique, de l’opposition comme de la majorité, semble parler d’une même voix pour la critiquer. La cheffe de groupe centriste au Parlement fédéral, Catherine Fonck (cdH) a déposé une motion d’ordre pour revoir la décision, et le député communiste Raoul Hedebouw (PTB) accuse la majorité de vouloir « tuer à nouveau la culture ». Le Parti Socialiste francophone, membre du Codeco, regrette quant à lui cette fermeture et comprend le désarroi des professionnels de ce même secteur, tout en proposant qu’à l’avenir les ministres dont les compétences sont discutées soient présents lors des comités de concertation.
Les scientifiques s’accordent eux aussi pour dire que ces mesures interviennent à un moment inopportun et qu'elles seront sans incidence sur la propagation du virus. « La fermeture isolée du secteur de la culture ne va pas changer le cours des choses. La dynamique de ce qui est en train de se passer est trop forte. Cette décision n'aura donc qu'un impact négligeable sur l'évolution de la vague Omicron. A quoi bon donc ? », assène le microbiologiste belge Emmanuel André, dans un tweet, graphique à l’appui. Gorge nouée, l’épidémiologiste Marius Gilbert a même déclaré à la radio qu’une telle décision provoquerait à coup sûr une « rupture de confiance ».
DÉSOBÉISSANCE GÉNÉRALE
En réaction, un nombre croissant de théâtres et de cinémas, généralement indépendants, ont décidé de mener une fronde générale. Le groupe de cinémas d’art et essai wallons Les Grignoux, à l’initiative de ce mouvement, explique à Marianne que c’était la mesure de trop : « Nous avons toujours respecté les consignes lors des précédents confinements. Depuis la réouverture, on ne cesse de nous imposer de nouvelles contraintes : masques, passe sanitaire, investissement dans du matériel, etc. Toutes les études internationales et les experts nous disent en plus que les salles de cinéma et de spectacle sont des lieux totalement sécurisés. Or là, mercredi dernier, on nous annonce la refermeture de la culture, sans nous avoir prévenus, et ça nous est tombé sur le crâne. L’ensemble du monde de la culture est complètement abasourdi. Comme les Grignoux sont autogérés, on a donc décidé à l’unanimité de rester ouvert. »
Ce qui avait commencé par une déclaration solitaire de désobéissance, s’est répandu comme une trainée de poudre, entraînant dans son sillage quantité d’autres protagonistes, réunis par un sentiment commun de colère et d'injustice : nombre d’entre eux survivent tant bien que mal après les divers confinements, ne disposent pas des moyens de grands groupes comme UGC (qui n’a pas ouvert), et ont réalisé de nombreux efforts pour assurer la sécurité des spectateurs.
« On est en contact permanent avec d’autres opérateurs culturels indiquent Les Grignoux, mais on a cependant voulu faire cette sortie seuls car il y avait urgence, et parce qu’il fallait notamment rassurer les distributeurs de films, qui auraient pu refuser de de sortir certains films si l’on prenait trop de temps à réagir. Mais là, on est content de voir qu’on a été suivi par plus de 100 institutions. » Certaines associations, comme La Ligue des Droits Humains et la Fédération des employeurs des arts de la scène, ont pour leur part décidé de saisir le Conseil d’Etat.
LA POLICE ET LES PROCUREURS FERMENT LES YEUX
Chose exceptionnelle dans un pays où le consensus et le dialogue social sont érigés en valeurs cardinales, cette rébellion semble faire l’unanimité. Du côté des communes, elle est ouvertement tolérée – ce qui équivaut dans les faits à un soutien tacite. Le bourgmestre de la commune bruxelloise d’Uccle Boris Dillies n'entend ainsi ...
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