Avec plus de 7 000 manifestations organisées chaque année sur son sol, la France est incontestablement une « terre de festivals ». Peu importe, au fond, de savoir si cette expression est scientifiquement fondée, elle suffit à révéler l’importance que revêtent les festivals et les différentes manifestations culturelles, au-delà même de notre seul imaginaire.
Ce ne sont pas des événements culturels comme les autres : ils sont à la croisée des enjeux de nos territoires et contribuent à leur dynamisme. Chaque année, ils font battre à l’unisson le cœur du pays et permettent de rassembler, y compris dans les zones les plus reculées où la culture est généralement absente, les amateurs de musique, de théâtre, de littérature ou de cinéma venus des quatre coins du monde et représentant toutes les générations.
Eux, qui ont tant besoin de visibilité pour parvenir à nous faire rêver, traversent depuis quelques années une période tumultueuse. Affectés par la hausse de leurs coûts, encore meurtris par la crise sanitaire et ses bouleversements sur les habitudes des publics, les voilà désormais potentiellement sommés d’annuler ou de reporter leur édition 2024 en raison de la concomitance des Jeux olympiques et paralympiques.
L’impact de l’annonce brutale faite par le ministre de l’intérieur, au détour de son audition par le Sénat le 25 octobre, est considérable. Au-delà des festivals, c’est tout leur écosystème qui pourrait en pâtir.
Un moment d’unité
Sur la forme, les sénateurs signataires jugent la méthode inacceptable. Il est en particulier fort regrettable qu’aucune concertation avec les organisateurs de festivals n’ait été organisée préalablement par les pouvoirs publics, alors que les Jeux doivent se tenir dans moins de deux ans et que la France a l’assurance de les accueillir depuis 2017 !
Sur le fond, il n’est pas acceptable que l’organisation des Jeux dans notre pays conduise à opposer le sport à la culture ou l’Ile-de-France aux autres territoires. Au-delà d’être une compétition sportive, les Jeux ont toujours été un moment d’unité, de rassemblement, de célébrations et d’échanges culturels riches et foisonnants : la mise en place des Olympiades culturelles en est la preuve. Comment imaginer que nos territoires se retrouvent privés de leurs manifestations culturelles dans ces circonstances ? N’entrerions-nous pas, en définitive, en contradiction avec l’esprit olympique ?
Il faut tout faire pour sauver autant que possible les festivals en 2024. Mais le temps presse.
Instaurer un comité de suivi
Le sort des festivals ne peut pas rester suspendu. La programmation des festivals pour 2024 est, dans bien des cas, déjà finalisée. L’Etat, les collectivités territoriales et les organisateurs de festivals doivent pouvoir rapidement se parler afin de dissiper les nombreuses incertitudes qui subsistent.
La priorité est donc de mettre en place des structures facilitant leurs échanges. Au niveau national, d’une part, cet épisode démontre la nécessité d’une plus grande coordination de l’action gouvernementale sur les questions liées à l’organisation des Jeux olympiques et paralympiques. Le ministère de la culture ne doit pas être tenu à l’écart des discussions entre le ministère de l’intérieur, le ministère des sports et le comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques.
Au niveau départemental, il paraît indispensable d’instaurer un comité de suivi des Jeux dans l’ensemble des départements – pas seulement dans ceux qui accueilleront des délégations –, compte tenu des effets domino qu’auront les Jeux dans l’ensemble des territoires et qu’il faut anticiper. Par ailleurs, certaines lacunes doivent être comblées au niveau même du ministère de la culture : la nomination d’un nouveau référent « festivals » ne peut plus attendre, de même qu’il faut veiller à ce que les festivals disposent d’un interlocuteur attitré dans chaque Direction régionale des affaires culturelles.
Le recours à l’armée
L’autre urgence est de définir un calendrier de travail compatible avec les besoins de la programmation des festivals, afin d’envisager plus sereinement autre chose que l’annulation pure et simple.
Il faut enfin se poser les bonnes questions sur la sécurité. Le recours à l’armée en est une.
Ne faut-il pas revoir à la baisse les ambitions concernant la cérémonie d’ouverture ? Le projet de faire parcourir aux délégations un trajet de 6 kilomètres sur la Seine et d’accueillir 600 000 spectateurs est certes spectaculaire, mais son ampleur et sa configuration soulèvent des difficultés en termes de sécurisation, qui peinent à être résolues.
Surtout, pourquoi ne pas envisager de mobiliser des moyens supplémentaires qui nous permettraient d’assurer à la fois la sécurité des Jeux et celle des autres événements organisés sur le reste du territoire ? Regardons ce qu’ont fait les pays hôtes ces dernières années. En 2012, la sécurité des Jeux olympiques de Londres avait été partiellement assurée par des militaires et réservistes de l’armée britannique : ils étaient 17 000 sur les 40 000 forces de l’ordre mobilisées pour l’occasion. Pourquoi ne pourrions-nous pas, nous ici, faire appel à l’armée pour prêter main forte aux forces de police et de gendarmerie ?
Il est primordial que...
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