On le sait davantage encore depuis l'annulation des festivals d'été et les milliards d'euros perdus pour l'économie française : les professionnels du spectacle sont essentiels à l'activité du pays. Ils sont un patrimoine vivant de compétences, un patrimoine très précieux pour les territoires, pour le bien-être, pour la productivité et pour la production économique en général.
Mais ce patrimoine est en danger. Pour les intermittents du spectacle, les mesures de confinement, de couvre-feu et les restrictions en matière de rassemblements ont réduit les chances de travailler à une portion congrue. Et il serait aussi inutile qu'irresponsable de les inviter à jeter leurs compétences à la poubelle pour aller exercer un autre métier puisque l'ensemble du marché du travail est sinistré, à quoi bon déshabiller Paul pour habiller Françoise quand les deux sont déjà presque à poil...
C'est là que vient en renfort la solidarité nationale, comme pour les restaurateurs et autres travailleurs empêchés de travailler. Fin juillet 2020, le Gouvernement a donc décidé de maintenir l'indemnisation des intermittents du spectacle jusqu'à fin août 2021 : c'est la fameuse année blanche.
Mais cette mesure ne rend pas la situation confortable : beaucoup d'intermittent·es doivent actuellement se contenter de leurs seules allocations chômage qui, dès lors, ne sont plus un complément aux revenus d'activité mais quasiment leur unique revenu de subsistance. Sans compter la diminution de ressources liée à la perte d'indemnités de congés spectacles faute de contrats.
Et cette mesure ne rend pas la situation rassurante : l'échéance du 31 août 2021, c'est à ce jour dans 10 mois et la deuxième vague de Covid ne présage pas de reprise des spectacles d'ici là. Or pour bénéficier d'une éventuelle réadmission à partir du 1er septembre 2021, il y a un préalable à ne pas oublier : il faudra nécessairement avoir eu au moins une fin de contrat dans les 12 derniers mois (article 7 du règlement d'assurance chômage en vigueur). Le gouffre de la fin de droits se rapproche donc à grands pas... Et pour celles & ceux qui auront les conditions d'une réadmission au 1er septembre, il y a une autre perspective très inquiétante : l'engorgement inédit lié à un nombre phénoménal de demandes de réexamens début septembre 2021, ce qui pourrait provoquer des retards considérables d'indemnisation si Pôle emploi ne met pas en œuvre un plan d'actions adéquat.
Heureusement il existe quand même plusieurs dispositions de secours, à la fois dans les règles ordinaires de l'assurance chômage et dans les règles exceptionnelles du décret de l'année blanche. Et elles ne sont pas toutes explicitées par Pôle emploi...
► Le réexamen (anticipé ou ordinaire)
D'ici le 31 août 2021 vous aurez ou vous avez déjà peut-être en réserve au moins 507 heures d'intermittence sur 12 mois, ou 549 heures sur 13 mois, ou 591 heures sur 14 mois, etc. (allongement de la période d'affiliation : paragraphe 1 de l'article 9 des annexes VIII et X ; l'allongement à hauteur des 3 mois de confinement n'est plus possible pour les bénéficiaires de l'année blanche)
Dans ce cas vous pouvez toujours demander un réexamen, de manière anticipée ou à votre date anniversaire "ordinaire", ce qui vous permettrait notamment d'éviter le risque d'engorgement mentionné plus haut.
Mais est-ce bien judicieux d'ouvrir de nouveaux droits avant le 1er septembre 2021 ?
C'est la fin de contrat retenue pour la réadmission qui déterminera votre nouvelle date anniversaire (paragraphe 2 de l'article 9 des annexes VIII et X). Par exemple si vous demandiez un réexamen avec une fin de contrat en octobre 2020, vos nouveaux droits se termineraient en octobre 2021 donc juste quelques semaines après l'échéance du 31 août 2021. Et vous auriez de nouvelles franchises à l'occasion de la réadmission, voire un nouveau délai d'attente de 7 jours, donc pour que ce soit financièrement valable il faudrait que la réadmission vous apporte un bien meilleur taux d'indemnisation pour compenser la pénalité des nouvelles franchises. On trouve sur internet des simulateurs gratuits pour faire une évaluation de l'intérêt financier d'une réadmission pendant l'année blanche, par contre toujours pas de simulateurs du côté de Pôle emploi pour les intermittents du spectacle...
L'idéal en matière de réexamen dans les mois qui viennent, pour sécuriser la durée de votre future indemnisation, c'est d'attendre l'été 2021 et d'avoir une fin de contrat la plus proche possible du 31 août 2021. Evidemment c'est un pari, car si vous n'avez aucun contrat à l'été 2021 vous risquez alors d'être concerné·e par la disposition qui suit.
► L'allongement exceptionnel de la période d'affiliation
Pour un réexamen post-année blanche, à partir du 1er septembre 2021, si vous n'avez pas cumulé 507 heures sur 12 mois précédant une fin de contrat de moins d'un an et si l'allongement ordinaire de la période d'affiliation ne permet pas de trouver les heures suffisantes (549 heures sur 13 mois, 591 heures sur 14 mois, etc.), le décret de juillet 2020 prévoit que Pôle emploi pourra rechercher 507 heures aussi loin qu'il le faudra dans le temps avant votre dernière fin de contrat (dans la limite toutefois du dernier contrat qui avait servi à ouvrir vos anciens droits), mais dans ce cas seules 507 heures seront retenues ! (paragraphe II du décret) C'est ce qu'on pourrait appeler le principe des 507 heures sèches.
Sauf à avoir eu des contrats très bien rémunérés pour ces 507 heures, vous serez alors très probablement indemnisé·e au montant journalier brut minimum de 38€ pour un technicien ou 44€ pour un artiste.
Comme votre nouvelle date anniversaire sera déterminée par la date de dernière fin de contrat, votre nouvelle indemnisation à partir du 1er septembre 2021 sera peut-être très courte. Par exemple si votre dernière fin de contrat remonte au 31 décembre 2020, vous ne seriez alors indemnisé·e que du 1er septembre au 31 décembre 2021, soit seulement 4 mois de nouveaux droits ! Un délai très court pour cumuler à nouveau 507 heures afin de bénéficier d'une nouvelle réadmission...
Et la réadmission entraînera de nouvelles franchises, or si à la fin de ces nouveaux droits vous n'avez pas soldé toutes vos franchises, vous devrez rembourser à Pôle emploi le reliquat restant selon le principe du trop-perçu. (paragraphe 2 de l'article 23 des annexes VIII et X).
Donc là encore, pour une nouvelle indemnisation la plus longue possible, l'idéal est d'avoir une fin de contrat à l'été 2021 et au plus près du 31 août 2021. Or si aucun vaccin ni traitement contre la Covid n'a été trouvé d'ici là, cet hypothétique contrat très salutaire devient alors... un contrat en or !
► La clause de rattrapage
Si dans votre parcours professionnel vous avez cumulé 5 ouvertures de droits à l'intermittence et qu'au...
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