Des salarié·es d’un sous-traitant de la Philharmonie de Paris sont en grève ce dimanche 30 octobre pour dénoncer leurs conditions salariales et de travail. C’est le deuxième mouvement social en dix jours de ces employé·es, en majorité étudiant·es, qui veulent mettre en lumière la « maltraitance » derrière la sous-traitance.
La force ne vient pas toujours du nombre. Une poignée de salarié·es d’un sous-traitant de la Philharmonie de Paris mène, depuis une dizaine de jours, une fronde pour dénoncer leurs conditions de travail, des heures non payées et des tickets repas jugés trop modestes.
Employé·es par l’entreprise City One, qui se présente comme « leader des métiers du service et de l’accueil », ces hôtesses et hôtes d’accueil gèrent la réception du public, le placement dans les concerts ou encore les vestiaires de la Philharmonie, haut lieu culturel du XIXe arrondissement de Paris.
Ce sont en majorité des étudiant·es, payé·es au smic et qui travaillent les soirs et week-ends. « Sans nous, pas de concert, pas d’expo, rien ! On a de l’importance et on veut le montrer », lance Sasha* (prénom d’emprunt), active dans le mouvement.
Après une première grève, les 20 et 21 octobre, les salarié·es ont obtenu l’ouverture de négociations. Entamées dans la semaine, elles doivent reprendre le 8 novembre. Pour maintenir la pression, une nouvelle grève surprise a été lancée ce dimanche 30 octobre, dès 9 heures du matin. « L’exposition du jour a ouvert en mode dégradé car six salarié·es sur les huit prévu·es au planning sont en grève », indique Adèle Tellez, de l’union locale CGT Paris XIXe, qui soutient le mouvement social.
Fait nouveau : les salarié·es les plus précaires sont en première ligne, ce dimanche. Après le mouvement initial, suivi par seulement quatre CDI de City One, les « CIDD », contrats d’intervention à durée déterminée, ont débrayé. « Nous prenons le risque », lance l’un des grévistes, conscient de la fragilité de sa situation.
Les CIDD sont des contrats de prestation « pour pourvoir un emploi par nature temporaire » et renouvelables à souhait, sans délai de carence, sauf si la durée totale des contrats dépasse quatre mois consécutifs sans interruption.
« Ce sont des contrats ultra-précaires, qui peuvent s’interrompre au bon vouloir de l’employeur, commente Sasha. Les sous-traitants jouent sur cette peur, ils savent bien que les étudiants en ont besoin pour arrondir leurs fin de mois et ont peur de perdre leur travail. »
Le donneur d’ordres exige le paiement des heures
Plusieurs employé·es du sous-traitant évoquent des plannings modifiés au dernier moment, sans délai de prévenance et un « management infantilisant » qui manque « de bienveillance ». « Nous devons demander la permission pour aller aux toilettes, nous avons l’impression d’être fliqués minute par minute, avec des rapports quotidiens sur notre comportement », raconte l’un d’eux.
À en croire Sasha, la colère couvait donc depuis des mois, « jusqu’à l’étincelle » : le non-paiement d’heures de travail, « sur plusieurs mois », et les « pressions et punitions » exercées sur celles et ceux qui réclamaient leur dû.
Ces salarié·es sont en poste à l’espace « la Philharmonie des enfants », dédié aux activités autour du son pour les 4-10 ans. Ce site a fermé plusieurs fois pour maintenance en 2022 mais les hôtesses et hôtes d’accueil n’ont, malgré leur contrat en cours, pas toujours été repositionné·es sur d’autres activités ou créneaux. Certain·es ont perdu « jusqu’à une semaine de salaire », à en croire Sasha.
« City One a cafouillé suite aux fermetures de l’espace pour les enfants, ça a été mal géré », concède Thibaud de Camas, directeur général adjoint de la Philharmonie de Paris, qui a longuement répondu aux questions de Mediapart. « En tant que donneur d’ordres [le client qui fait appel au sous-traitant – ndlr] nous ne sommes pas l’employeur direct des équipes mais n’avons rien à cacher. Dès que nous avons appris que des heures n’avaient pas été payées, nous avons indiqué à City One qu’il fallait les régulariser, il n’y a pas de débat là-dessus. »
Également contactée, l’entreprise City One assure que « la majorité des heures liées à la fermeture de la [Philharmonie des enfants] ont déjà fait l’objet de régularisation » mais admet que « quelques heures résiduelles subsistent et sont en cours de traitement. Elles seront évidemment régularisées si cela s’avère fondé ».
Concernant « le management par la peur », l’entreprise réfute en bloc. « Nous ne pouvons entendre cette remarque, parce que ce n’est pas vrai et [c’est] le contraire de l’esprit City One. À titre d’exemple, le taux de “fidélisation” des collaborateurs frôle les 90 %. Si City One pratiquait un management de la terreur, il n’atteindrait pas un tel niveau. »
Et ajoute : « Dans ce cas précis, la réalité est que le mécontentement à l’égard de l’encadrement émane de très peu de salariés sur une partie infime des prestations réalisées pour le compte de la Philharmonie. Comme nous sommes particulièrement attentifs à fidéliser nos collaborateurs, nous sommes comme toujours à l’écoute de ces signes de mécontentement. »
Jugeant toutefois que « l’attente de bien-être au travail » est « légitime et normale de la part de n’importe quel collaborateur » et qu’un « conflit social n’est jamais un signal neutre », City One promet de « faire un état des lieux afin d’être certain d’entendre l’ensemble des attentes et ainsi mener les actions nécessaires ».
La grève des 20 et 21 octobre avait également pour objet le licenciement d’un jeune salarié en CDI pour « faute grave ». Selon ses collègues, les motifs invoqués, à savoir « le port d’un gilet au-dessus de sa tenue règlementaire », ou « un retard de quelques minutes » sont « abusifs ». Sa demande de réintégration ne figurait toutefois plus dans les revendications de ce dimanche car des négociations ont été entamées avec la direction. City One le confirme à Mediapart : « Des échanges sont en cours à ce sujet et demeurent confidentiels à ce stade. »
"Trois euros pour un repas. À Paris, vous avez quoi à ce tarif ? Un café ?" Sasha, salariée de City One
Les grévistes maintiennent en revanche une demande, concernant le montant du « panier repas » versé aux salarié·es qui exécutent plus de six heures de travail en une journée. Il est actuellement fixé à 3,05 euros. « Il n’a jamais été revalorisé malgré l’inflation, s’emporte Sasha. Trois euros pour un repas, vous imaginez ? À Paris, vous avez quoi à ce tarif ? Un café ? »
Lors des négociations, après la première grève, City One a proposé 10 % d’augmentation, soit un panier repas porté à 3,36 euros. « C’est presque comique », commente, amère, Sasha. Cette proposition a été rejetée. « Le prix du panier repas, c’est vraiment le point fort de la négociation », indique Adèle Tellez, de la CGT, qui participe aux discussions. « Tout le reste, finalement, porte sur le simple respect du droit du travail. »
Auprès de Mediapart, City One admet « que la proposition faite ne correspondait pas aux attentes des salariés » et s’engage « dans un souci de maintien du dialogue social [...] à travailler sur une meilleure proposition que nous présenterons lors de notre prochaine rencontre ».
Du côté de la Philharmonie, cette proposition de 10 % de hausse est jugée...
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