De Beyrouth à Palerme en passant par Lyon ou Pékin, metteurs en scène, chorégraphes ou musiciens témoignent de l’impact de l’annulation des grands festivals français.
«Le merdier, comme vous dites.» Ç’aurait été sa première fois au Festival in d’Avignon et c’était une des meilleures nouvelles de la programmation 2020. Gwenaël Morin, vénéré pour sa manière intransigeante de tirer les couettes du théâtre bien peigné, a remballé sa mise en scène d’Andromaque dans les stocks de cartons qui lui servent généralement de décor. Et, dans un mélange d’abattement et d’extralucidité, il attend. «Je regarde des westerns de Budd Boetticher, et ça m’inspire une grande nostalgie. On dirait les reliques d’un monde définitivement révolu. Un peu comme Sophocle, quoi.» Donc, le merdier. Moins, peut-être, que pour la Palermitaine Emma Dante, qui doit enterrer non pas une création à Avignon mais deux, sans trop pouvoir compter sur l’Etat italien - «Personne ne parle de la culture ici.» Moins, bien sûr, que pour le jeune chorégraphe beyrouthin Ali Chahrour, également programmé dans feue l’édition 2020, et qui comptait sur sa tournée internationale d’été pour récupérer en mains propres l’argent des coproductions que la crise bancaire au Liban l’empêche de toucher pour travailler (on y reviendra).
Confinement
Bien sûr, Gwenaël Morin bénéficie du système d’aide français et n’en est pas à trier ses dernières pièces jaunes comme les artistes émergents du off devront malheureusement le faire. Mais tout de même. Cet ancien maçon accroché à son art par les molaires travaille comme une «pure cigale», infoutue d’assurer ses arrières, allergique à l’idée de réunir une liste de 25 coproducteurs avant chaque création chez qui tu dois aller tourner pendant deux saisons même si ta pièce, au final, est ratée. C’est pas de la fanfaronnerie, c’est juste qu’il préférerait encore retourner construire des murs. «Mon luxe, c’est de travailler au jour le jour. C’est une vraie discipline de conserver le...
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