Pour la plupart contraints d’annuler leur édition annuelle, certains festivals de musique donnent tout de même le « la » pour commencer la rentrée 2020. Avec un lot de défis majeurs à relever.
Après un été mitigé pour le monde de la musique, qui a particulièrement souffert du report de ses festivals à l’an prochain, la rentrée signe l’organisation de plusieurs événements d’envergure. Au programme des festivités : invités assis et masqués, nombre de places réduit, cyberfestivals, bars à gel hydroalcoolique. Grâce à des formules savamment réinventées, certains spectacles font revivre la musique. Le tout dans le respect le plus strict des règles sanitaires.
Jazz à la Villette
Pour tous les amoureux du jazz, le festival Jazz à la Villette donne cette année aussi rendez-vous au public avec une version allégée et adaptée au contexte sanitaire. Du 4 au 13 septembre, Fatoumata Diawara, Roberto Fonseca et d’autres artistes jazz se produiront sur scène. Un pari risqué, puisqu’il s’agit des premiers concerts en salles d’une telle envergure depuis le début de la crise. Reformaté en conséquence, Jazz à la Villette a réduit son affiche à dix concerts et 12 000 places sont disponibles (contre 35 000 en temps normal). Malgré les règles de distanciation sociale, le message se veut fort et résonnera : « Jazz Is Not Dead ».
Les 11e Musicales du Parc des Oiseaux
Dans un cadre tout à fait insolite, le parc animalier de Villars-les-Dombes (Ain) renouvelle pour la onzième fois ses Musicales, bien décidé à accompagner le chant de ses oiseaux de celui des artistes. Zazie, Yannick Noah, Maxime le Forestier et Ibrahim Maalouf ont répondu à l’appel et seront présents du 30 août au 13 septembre. Ces derniers devront par ailleurs composer avec les nouvelles règles en vigueur et se produire face à un public entièrement masqué. Une tribune a été installée pour accueillir 2 000 spectateurs, qui auront la chance d’assister aux premiers concerts de l’été en région lyonnaise, en plein cœur d’une réserve naturelle.
Les événements locaux de cet automne
D’autres festivals en régions seront fidèles au poste pour cette rentrée, dont le Festival des voix de Moissac (9-13 septembre, 8-11 octobre), le Musée électronique de Grenoble, qui a été reporté du 25 au 27 septembre, ou bien encore le Festi’Val de Marne (du 1er au 18 octobre). Côté jazz, le Nancy Jazz festival ouvrira sa saison du 3 au 17 octobre et recevra entre autres les artistes Pomme, Bongo Joe et Roberto Fonseca.
La musique classique sera aussi de la partie aux quatre coins de l’hexagone, au festival Toulouse les Orgues (du 8 au 18 octobre), au Septembre musical de l’Orne (du 4 au 27 septembre), et au Festival international de musique de Besançon Franche-Comté (du 11 au 20 septembre). Sans oublier le Festival de musique sacrée à Perpignan (du 24 au 30 octobre) et le Festival de Royaumont, à raison de deux manifestions par week-end du 6 septembre au 31 octobre.
Une reprise à haut risque
Si quelques événements ont fait le pari de maintenir leur édition, de nombreuses incertitudes demeurent encore pour les mois à venir. L’évolution de la situation sanitaire déterminera la remise sur pieds d’un secteur qui essuie déjà les conséquences de la crise. Pour Alexandra Bobes, directrice chez France Festivals, "les enjeux sont pluriels pour cette rentrée : économiques mais aussi politiques et sociaux. Tout d'abord, on essaie de trouver des solutions pour finir l'année en équilibre au niveau financier. C'est un véritable exercice de jonglage et l'année 2020 n'est qu'une minime partie du problème. L'effet de la crise va se faire ressentir en 2021 puis 2022, avec des inconnus considérables. Les questions de mécénat, de subventions et de programmation rentrent aussi en jeu".
Au niveau social ensuite, il s'agit de trouver des clés pour renouer avec le public, lui redonner confiance. La directrice de France Festivals va plus loin et affirme que "ce n'est pas seulement le moral des spectateurs qui est à prendre en compte, mais aussi celui des équipes des festivals, pour qui les derniers mois ont été un véritable rouleau compresseur. L'organisation a été compliqué, avec des annulations et des protocoles sanitaires différents entre zone verte et zone rouge".
Une note d'espoir
Enfin, et c'est peut-être le plus important, c'est à l'échelle politique que le défi à relever est le plus grand. Les mesures mises en place par le gouvernement entendent venir en aide au secteur sinistré par la crise : chômage partiel, fonds d'urgence du CNM, fonds spécifique de 10 millions pour les festivals, plan de relance... "Des annonces à saluer", juge Alexandra Bobes."Après de nombreuses années sans politique d'état pour les festivals, on a aujourd'hui l'impression qu'un dialogue s'est ouvert pour de bon avec les pouvoirs publics. Il y a une véritable volonté, à la fois nationale et territoriale, de mieux accompagner les festivals et d'ouvrir un espace de concertation".
Ce "signal fort", le secteur du festival l'attendait depuis des années... Et il pourrait bien se concrétiser. Les 2 et 3 octobre prochains, les états généraux des festivals se tiendront à Avignon. "Un moment historique" pour la directrice, pour qui cet événement sera "le premier pas pour renouer le dialogue et travailler ensemble à long terme. Ce premier rendez-vous est le premier d'une longue liste de discussions à venir".
Garance Lunven