Depuis le 21 juillet, le passe sanitaire est de mise dans les lieux de culture. Du concert en extérieur à la séance de cinoche, comment cela se passe ?
Demandé depuis lundi à l'entrée d'un large éventail de lieux de vie, de passage et de réunion comme les bars, les restaurants ou encore les trains au long cours, le passe sanitaire est le sésame des lieux culturels depuis près de trois semaines. Cette attestation de vaccination ou preuve d'un test négatif récent, sous forme numérique ou papier, doit permettre de sécuriser les visiteurs ou spectateurs face au Covid-19 et ses variants. Mais comment se passe son emploi au quotidien ? Le système est-il au point ? Le contrôle des identités se fait-il systématiquement ? La population, les publics et les agents jouent-ils le jeu ? Cinéma, théâtre, musée, salle de concerts. Le Figaro a testé pour vous.
Aux Béliers, on rit à gorge déployée mais masquée
Dans le petit théâtre du 18e arrondissement de Paris, il faut porter le masque pour assister au Porteur d'histoire. La pièce à succès d'Alexis Michalik, présentée pour la première fois en 2011, remportait en 2014 les Molières de la meilleure mise en scène et du meilleur auteur. Elle fait toujours salle comble. Dix ans plus tard, la file d'attente remonte jusqu'en haut de la rue Sainte-Isaure. Mais cette année, tests PCR ou antigéniques sont de mise pour pouvoir rentrer, à défaut de pouvoir présenter son certificat vaccinal. Le théâtre a mis en place un marquage au sol pour faciliter les allées et venues. Le protocole est précis. Les gens avancent au rythme du contrôle de l'incontournable QR code.
Dans la file, une personne ne semble pas être en mesure de présenter un code valide. Elle patiente tranquillement sur le côté. À mesure que la foule diminue, un des employés glisse dans son talkie-walkie : « on est quasi prêts mais il y a un client qui n'arrive pas à présenter son passe sanitaire, attendez un instant.» Quelques instants plus tard, le même visiteur reçoit ses résultats sur son téléphone.
À l'intérieur, cramponnés à leurs sièges deux heures durant, on devine que les spectateurs ont la bouche ouverte de surprise derrière leurs masques. Sous leurs yeux, une mystérieuse histoire se dénoue au rythme de différentes époques qui s'emmêlent. Les comédiens, dans leur folle ivresse, changent de costumes comme de personnages à la vitesse de l'éclair. À la fin de la représentation, les applaudissements résonnent pendant de nombreuses minutes. Un des employés demande alors au public de respecter l'ordre des rangs pour quitter la salle : les derniers arrivés seront les premiers dehors.
À l'extérieur, Inès, femme d'une trentaine d'années, est venue avec son compagnon, Benjamin. «Le vaccin, je l'ai fait très tôt. J'avais pressenti que ça allait devenir obligatoire, explique-t-elle. Toujours un peu perturbant de devoir porter le masque quand tout le monde est vacciné, mais masque ou pas masque, ça fait du bien de revenir dans ces lieux.»
Au musée Rodin, les anti-passe passent leur tour
Jeudi, fin d'après-midi. Aucune foule ne se presse rue de Varenne, devant la large porte cochère qui forme l'entrée du musée Rodin. Le temps grisâtre du milieu de l'été ne décourage pas quelques groupes épars de s'engager dans l'hôtel Biron. Juste derrière les battants ouverts de l'entrée, un agent de sécurité assis à sa table se charge de contrôler le passe sanitaire des visiteurs. Son engin passe au-dessus du sacro-saint code QR qui s'affiche dans le carnet vaccinal numérique. Y aura-t-il un pépin ? Aura-t-on oublié un détail crucial ? Se serait-on trompé de code ? Rien de tout cela.
Sans vérification d'identité, un hochement de tête approbatif livre aux curieux le véritable accès du site. Enfin, après le passage obligé sous la tente de la sécurité pour l'inspection des bagages et des sacs, plan Vigipirate renforcé oblige. On l'aurait presque oublié. La vérification du passe sanitaire, elle, n'a pas toujours été aussi calme. Si les mots de «collabo» n'ont peut-être pas été prononcés - l'institution s'y prêtant sans doute moins bien au goût des véhéments que le Mémorial de Caen -, des altercations à l'encontre du «personnel vérifiant» ont bel et bien eu lieu depuis l'instauration des contrôles. «Oui, ça m'est arrivé, confirme le vigile d'entrée. On a eu à appeler notre responsable et prévenir la direction à cause de cas violents, notamment au début, lors de la mise en place. C'était compliqué, mais maintenant ça va beaucoup mieux.»
Il faut dire qu'outre l'action du temps et l'apaisement des premiers brasiers de colère ou d'incompréhension, le profil des visiteurs a également changé ces dernières semaines. «Nous avons du public américain en ce moment, et pas mal d'Européens aussi. Des Espagnols.» Nul doute que l'exposition Picasso-Rodin n'était pas étrangère à cette variation démographique. Si les masques tombaient volontiers dans les allées du jardin de sculptures, et plus volontiers encore entre couples, les règles sanitaires se trouvaient respectées à la lettre - et au nez - entre les cimaises de l'exposition temporaire. Seuls les bustes souriants du Balzac de Rodin et du Fou de Picasso semblaient narguer, non sans malice, le défilé scrupuleux des visiteurs masqués.
A la séance d'OSS 117, on ne fait pas la police du masque
«Ils demandent vraiment le passe sanitaire ici? Parce que les restaurants, les bars, la boxe, franchement... Ils sont plutôt détendus avec ça.» Bruno, une trentaine d'années n'en revient pas alors qu'il rejoint la file d'attente du cinéma Mk2 Quai de Loire à Paris avec deux amis. La projection d'OSS 117 : Alerte rouge en Afrique noire est prévue pour 19h30 et l'excitation est palpable dans la file d'attente extérieure en ce 5 août.
Les comparses semblent perdus devant le calendrier de la mise en place du passe. Dans les bars et restaurants, c'est le lundi 9 août. Pourtant, l'un des compères relate une expérience un peu différente. «Moi j'ai pas pu rentrer aux guinguettes de La Javelle sans mon passe sanitaire!» Sur le site internet du Mk2, les informations concernant le passe sanitaire sont écrites noir sur blanc. Le port du masque est obligatoire dans l'enceinte du cinéma, ainsi qu'un certificat de vaccination (schéma vaccinal complet), un test PCR datant de moins de 48h ou un certificat de rétablissement après une contamination .
À l'extérieur du cinéma, certains portent le masque du menton au nez. D'autres en profitent pour boire un coup ou fumer une cigarette. Manon, Clara et Lucie, 26 ans chacune, sont amies depuis l'enfance. «Bien sûr qu'on a vu les deux premiers volets!» Si cela a été fait chacune de leur côté, ce n'est pas la première fois qu'elles vont ensemble au cinéma. Deux d'entre elles sont déjà vaccinées, mais Lucie ne l'est pas. «J'ai la première dose mais pas la deuxième, explique-t-elle. J'ai fait un test antigénique pour pouvoir venir. Je ne suis pas beaucoup allé au cinéma ces derniers temps, mais il n'a pas fait beau, et puis c'est l'occasion de retrouver les amies.»
Le public s'engouffre peu à peu dans l'enceinte du cinéma. Deux employés, masqués, l'application TousAntiCovid dans la main, commencent méticuleusement par vérifier les passes sanitaires. «-Merci... Et votre billet? - Ah oui pardon!» Le badaud, préoccupé par la situation sanitaire, en oublierait presque de présenter son billet. L'administration du Mk2 elle, est intraitable. Un des employés du cinéma, qui slalome entre les clients et leurs boîtes de pop-corn pour s'assurer du bon fonctionnement du processus, explique brièvement. «C'est très simple. Si vous n'avez pas de passe sanitaire, vous ne rentrez pas.»
La salle qui projette le film à l'écran est vaste. Sur les 354 personnes qu'elle peut accueillir, on compte 210 personnes ce soir-là. À l'intérieur, l'atmosphère est détendue. Les uns dégustent leurs pop-corn, les autres discutent à voix basse. «Nous faisons en sorte de contrôler les clients à l'entrée, mais nous ne faisons pas la police pour le port du masque dans les salles, explique un salarié. C'est aussi une responsabilité civique.»
La dernière bande-annonce disparaît. C'est l'heure du voyage en Afrique noire. Jean Dujardin endosse son costume d'agent pour la troisième fois et tente de faire oublier au public Français ses tracas sanitaires, le temps d'une aventure dans des contrées lointaines. OSS 117 dégaine son pistolet comme lui seul peut le faire. Les rires emplissent le lieu au rythme des rebondissements. Puis, le film s'achève. Dehors, la pluie tombante contraste avec le climat aride de la savane à l'écran. Les gouttes d'eau forcent les amoureux du cinéma à se disperser rapidement.
Au festival ephémère ZUT, la nonchalance d'un pique-nique musical
Ligne 5, sortie à porte de Pantin. Viser les Quais de Loire. Dépasser la Fontaine aux lions, laisser sur sa gauche la Grande Halle de la Villette qui accueille l'exposition Napoléon, puis se repérer au son des baffles qui résonnent au loin. Une petite foule se distingue, entourée d'un grillage. Voici l'entrée, signalée en vert vif par une feuille A4 scotchée sur un panneau de bois. «Entrée ZUT: Zone d'Urgence Artistique Temporaire.»
Il n'y a pas de queue pour rentrer et les trois hommes de la sécurité, vêtus de noir, leur masque remonté au-dessus du nez, assurent tranquillement le contrôle à l'entrée. «Votre passe sanitaire s'il vous plaît.» Présentation du smartphone contenant le code QR, attestant d'une vaccination. Le scanner devient d'abord rouge; le QR n'était pas le bon. Le voyant passe au vert. Vous pouvez circuler.
L'herbe de la prairie du triangle est verte ce samedi, et face à l'abondance de nuages qui parsèment le ciel, personne n'est surpris du nombre peu conséquent de visiteurs présent sur le site. Pauline Jacquelin, membre du collectif Venus Club qui soutient les femmes dans le milieu de la musique électronique, est venue assister à la performance de Sainte Exp, une des membres de l'équipe. «Ça manque un peu de monde aujourd'hui, mais on est heureux de venir soutenir une de nos artistes.» Debout, assis, ou allongé, tous marquent le rythme des percussions, du pied ou de la tête, avec chacun sa dose de nonchalance.
À l'intérieur de l'enceinte, le port du masque...
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