L'Insee publie aujourd’hui une étude sur l’égalité femmes/hommes. Depuis #MeToo, cette question est centrale dans le monde de la culture qui cherche à dépasser la prise de conscience et à agir pour promouvoir une plus grande diversité.
L’Insee a communiqué aujourd’hui son bilan annuel sur l’égalité entre hommes et femmes dans la société française. Cet état des lieux intervient alors que le secteur spécifique de la culture s’est toujours pensé progressiste en ce domaine : n’était-il pas porteur en effet de valeurs d’égalité, d’émancipation et de progrès ? Le mouvement #MeToo, parti d’Hollywood, a gagné le cinéma français l’an dernier, suivi d’un #MeToo qui a secoué le milieu du théâtre. Les scandales qui en ont découlé ont montré un milieu plus inégalitaire qu’il ne le croyait. Pourtant, deux rapports en 2006 et 2009, s’ils ne traitaient en rien des violences sexistes et sexuelles, avaient alerté les institutions culturelles sur les inégalités salariales, de production ou de carrière en particulier dans le spectacle vivant entre femmes et hommes. Pourquoi a-t-il fallu tant d’années pour ouvrir les yeux ? Que s’est-il passé depuis ?
Pour ce débat, Emmanuel Laurentin reçoit Alban Jacquemart, politiste, sociologue, maître de conférences en science politique à l'Université Paris-Dauphine, chercheur à l'Institut de recherche interdisciplinaire en sciences sociales (IRISSO), Maëlle Poésy, metteuse en scène, autrice, comédienne, directrice du théâtre Dijon-Bourgogne et Reine Prat, spécialiste du monde de la culture, autrice des rapports ministériels de 2006 et 2009 sur les inégalités dans les arts du spectacle.
Alban Jacquemart souligne l'existence du plafond de verre dans le milieu de la culture, et les différentes résistances qui s'opèrent face aux désirs de changement : "L'administration culturelle a été particulièrement en retard dans les politiques d’égalité et de correction des inégalités de carrières, par rapports aux autres administrations. Aujourd'hui, la situation est améliorée, grâce à une politique volontariste des quelques dernières années, mais il y a encore ce qu’on appelle un plafond de verre, un moindre accès des femmes aux positions supérieures, y compris dans les établissements publics. (...) Au-delà de chiffres, sur les trajectoires, deux tiers des hommes ont des trajectoires professionnelles ascendantes, alors que quasi six femmes sur dix ont des carrières plafonnées qui s’arrêtent à un moment donné. (...) On est à un moment historique de politisation de ces représentations. Il ne faut pas estimer les résistances à ce sujet."
Maëlle Poésy met en lumière les différences de traitement des artistes femmes et hommes par l'industrie culturelle, et la nécessité de raconter de nouveaux récits pour représenter mieux la société dans sa diversité : "On constate une vraie disparité entre les moyens alloués aux metteuses en scène et aux metteurs en scène, l’accès à des plus grands plateaux pour les uns, et pas pour les autres, à âge égal et notoriété égale. (...) Il y a une crise de la représentation sur les plateaux, des récits manquants. Mettre au centre des autrices, des metteuses en scène, et aussi des personnes qui représentent une diversité des origines, est nécessaire. J’ai confiance en la nouvelle génération (...) Pendant des années, on a pensé que le point de vue des metteurs en scène ou des auteurs a fait patrimoine. Aujourd'hui, raconter des nouveaux récits, avec des héroïnes à la place des héros, peuvent changer pas mal de choses sur la question de la représentation (...) On s’attaque à un problème structurel. On est obligés de passer par des systèmes de quotas, des obligations prises par les institutions culturelles et les écoles, pour devenir valeur d’exemple et que ces questions ne soient plus une discussion."
Reine Prat explique l'intérêt de raconter des histoires plus proches du réel, et de réaliser des changements plus concrets, dans ce domaine qui connaît de nombreuses résistances : "Rien n’a changé, sauf dans certains endroits, où ça a régressé, comme dans la danse. (...) S’il y a une chose qui a changé, c’est que les gens prennent la parole. (...) Les questions de représentation de la société sont au cœur du problème, au théâtre, au cinéma, dans les musées. On nous montre un monde, dans la culture subventionnée par le Ministère de la culture, qui n’a pas grand chose à voir avec la réalité. (...) Il y a une distorsion, on nous raconte des histoires qui n’existent pas. (...) Certains ne comprennent pas vraiment ce qu’il arrive, notamment dans les écoles. Les résistances sont très réelles...
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