Dans une lettre ouverte à Roselyne Bachelot, plusieurs organisations syndicales, salariales et patronales, exhortent la ministre de la culture à être au rendez-vous : «le spectacle vivant et le cinéma ne sont pas plus que le reste du monde sortis de la crise». Chaque jour, alertées par leurs adhérents très inquiets pour l’avenir, elles appellent à «mettre en place des dispositifs de préservation du secteur et de ses emplois».
Depuis la réouverture des salles, la reprise escomptée des activités du spectacle vivant et du cinéma n’a pas eu lieu. Pire, la déclaration du Premier Ministre Jean Castex, le 6 décembre dernier, selon laquelle «jusqu'aux fêtes de fin d'année, on lève le pied, on arrête, on se protège et on protège ainsi notre capacité à profiter de Noël», a accentué la vague d’annulations et de reports de nombreux événements culturels.
La crise est violente depuis bientôt deux ans. Elle n’est pas terminée au 1er janvier 2022. Comme nous le disons collectivement depuis des mois, son impact va se faire ressentir durant de nombreuses années.
Le public n’est pas revenu dans les salles. C’est le triste constat que dressait une étude publiée dans Le Monde le 26 octobre dernier, qui indiquait que «39 % des Français n’ont pas remis les pieds dans un lieu culturel depuis l’instauration du passe sanitaire».
Le secteur dit du «spectacle occasionnel» et des arts de la rue voient s’aggraver une situation déjà catastrophique : un niveau d’emploi à 20% pendant les six premiers mois de 2021, une reprise partielle à l’été aussitôt entravée par des annulations en août suite à la mise en place du passe sanitaire - bien souvent impossible pour des événements en extérieur, dans les rues des communes-, une cascade d’annulations en décembre, dans les comités des fêtes, les CSE (ex-comités d’entreprises), les feux d’artifice, les rendez-vous festifs de fin d’année en espace public et autres spectacles de Noël, … Des musiciennes et musiciens ont par exemple vu supprimer tous leurs concerts de décembre comme de janvier.
Rappelons que ce secteur, bien que dit «occasionnel» représente un emploi sur dix dans le spectacle, et que pour les artistes et technicien·ne·s concerné·e·s il s’agit de leur activité principale.
Nos organisations sont, chaque jour, alertées par leurs adhérents très inquiets pour l’avenir. Les annulations sont légion, sans indemnisation ou dans des conditions plus que discutables. Nous voyons apparaître des clauses abusives dans les contrats de cession ou lors des accueils des équipes artistiques, au-delà des dispositions prévues par la loi.
Quant aux auteurs et autrices, aux metteuses et metteurs en scène, scénographes, compositeurs et compositrices, ils sont lourdement et durablement pénalisés par le fort ralentissement des créations. Il est douloureux de constater que les fonds d’indemnisation (ASTP et SACD) comme les plans de relance, ont principalement favorisé les plus structurés, les plus riches, les moins fragiles, révélant et aggravant les inégalités entre les différents acteurs artistiques.
Les annonces du 27 décembre sont venues plomber, une fois de plus sans concertation, la possibilité de tenir les concerts debout et les gros événements. Les tournées sont menacées bien au-delà des trois semaines annoncées, au moins jusqu’au printemps, avec de gros risques pour les festivals d’été.
La stigmatisation, par l’Etat, des concerts comme une activité préjugée risquée, ne se fonde sur aucune étude scientifique. Elle vient jeter le trouble sur cette pratique, rendant sa reprise économique d’autant plus difficile.
Alors que les protocoles sanitaires dans les salles de spectacle ont fait la démonstration de leur efficacité, nous attendons de la puissance publique qu’elle rassure sur les conditions d'accueil du public. C’est le chemin inverse qu'elle a pris cet été par la mise en place brutale du passe sanitaire en pleine période des festivals. C’était un très mauvais signe pour la Culture dans son ensemble, encore durci par l’obligation prochaine du passe vaccinal.
Le cinéma indépendant est de même menacé à terme par les difficultés de fréquentation en salles : une vaste concertation sur le soutien à la diversité est indispensable.
Nous ne sortirons de cette crise qu’en jouant pleinement la carte de la solidarité entre les acteurs du secteur. Pas une équipe de création, pas une ou un artiste, pas une technicienne ou un technicien, pas une manifestation artistique en salle ou hors les murs, pas un lieu intermédiaire ne doit disparaître au risque d’assécher un secteur trop souvent malmené ces derniers mois.
Madame la Ministre, il est urgent de remettre en place des dispositifs de préservation du secteur et de ses emplois :
- . reprise des concerts debout dès le 24 janvier ;
- . assurances sur la tenue des grands événements dans un calendrier lisible ;
- . prorogation de l’année blanche au-delà du 1er janvier, prenant en compte toutes les interdictions ;
- . compensation intégrale des pertes de salaires dues aux annulations de dates voire de contrats, quelle qu'en soit la raison ;
- . élargissement des conditions d’accès aux fonds d’indemnisation des auteurs par la mise en place d’une indemnisation forfaitaire des droits d’auteur pour chaque date annulée et ...
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