Philippe Coulangeon montre comment les inégalités entre classes sociales à l’heure de la culture de masse ont déplacé leurs frontières, et comment l’éclectisme est devenu un nouvel élitisme.
Quels sont les genres musicaux les plus légitimes ? La réponse, qui a semblé évidente pendant des siècles, avec la musique classique trônant au-dessus du reste, est plus complexe depuis plusieurs décennies. En musique comme dans les autres registres culturels. Dans Culture de masse et sociétés de classes, le sociologue Philippe Coulangeon se pose la question de ces nouvelles normes qui encouragent, pour le dire vite, l’ouverture, non pour effacer les classes sociales mais pour en reconfigurer les frontières. Et faire de l’altérité, de l’éclectisme, un nouveau privilège entre riches et pauvres.
«Assouplissement des frontières entre les répertoires»
Au-delà de Pierre Bourdieu dont il est souvent question, le directeur de recherche au CNRS s’appuie aussi sur les travaux du sociologue américain Richard Peterson sur l’«omnivore/univore» culturel publiés au début des années 90 et déroule une réflexion sur le dépassement du «savant et du populaire». En classant les Français dans quatre grandes catégories (populaire établi et émergent, légitime établi et émergent), il montre que le légitime émergent, jeune, urbain, socialement privilégié et scolairement doté ne rejette aucune pratique a priori, qu’il est aussi un «omnivore» culturel, au contraire, surtout, du populaire établi : il lit un livre par mois, des romans classiques jusqu’aux bandes dessinées, passe ses vacances à l’étranger, écoute du hip-hop et de l’opéra, consomme des films d’auteur et Arte comme des films policiers et Canal +. Mais, précise l’auteur, si ...
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