En raison de l’avancée de l’épidémie, le gouvernement écarte la date avancée en décembre et réfléchit à de nouvelles mesures pour soutenir le secteur en pleine désillusion.
C’est désormais acquis : il ne se passera rien le 7 janvier. Lors de sa conférence de presse du 10 décembre 2020, Jean Castex avait fixé à cette date la possible réouverture des lieux de culture (théâtres, cinémas, musées, etc.), fermés depuis le 30 octobre pour enrayer la deuxième vague de l’épidémie de Covid-19.
Mais un peu plus de trois semaines après l’annonce du premier ministre, le nombre de personnes infectées reste trop élevé pour lâcher la bride, estime-t-on au sommet de l’Etat. « Ce ne sera pas possible de rouvrir les établissements culturels au 7 janvier parce que le virus circule encore très fortement dans notre pays », a confirmé le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal, vendredi 1er janvier sur TF1, provoquant une nouvelle désillusion parmi les professionnels de la culture.
Alors, quand ? Echaudé par les précédents reports, l’exécutif n’entend pas fixer tout de suite de nouvelle date de réouverture. « Il faut d’abord voir quels sont les effets des fêtes de fin d’année sur l’épidémie, si le nombre de cas s’envole de nouveau ou pas. Rien ne devrait être annoncé avant la mi-janvier, au mieux », explique une proche d’Emmanuel Macron.
Les professionnels de la culture l’ont bien compris et ont fait leur deuil d’une reprise rapide de leurs activités. Déjà, la Fédération nationale des cinémas français (FNCF) a annoncé que les salles obscures ne lèveraient pas le rideau avant la fin du mois de janvier, voire les vacances d’hiver, qui débutent le 6 février pour une première partie du pays.
« Bâtir un modèle résilient »
Pour autant, l’exécutif n’entend pas rester les bras croisés. Même si les sondages montrent le peu d’intérêt des Français pour les revendications du secteur, les manifestations et tribunes enflammées des artistes en décembre 2020, après l’annonce du report de la réouverture des lieux de culture, initialement prévue le 15 décembre, ont été vécues comme un coup de semonce au sein de l’exécutif.
« Les artistes sont une frange de la population dont la caisse de résonance est proportionnellement inverse à leur nombre », rappelle un conseiller. Comprendre : s’ils sont relativement peu nombreux (670 000 personnes, soit 2,5 % de la population active), les professionnels de la culture savent faire du bruit pour se faire entendre.
Désireuse de ne pas les laisser dans l’expectative, la ministre de la culture Roselyne Bachelot a prévu de consulter à nouveau les organisations professionnelles cette semaine. Son objectif : « bâtir un modèle résilient, avec différents paliers de fonctionnement, qui permette aux lieux culturels d’ouvrir – même de façon réduite – et de mieux résister aux à-coups de l’épidémie », a-t-elle expliqué dans le Journal du dimanche (JDD). De fait, la succession des ouvertures et fermetures a été dénoncée par tous les acteurs, qui estiment cette alternance épuisante psychologiquement et mortifère économiquement. « Le pire pour nous, c’est le “stop and go” », assure le producteur de théâtre Jean-Marc Dumontet.
Seul hic, le pays pourrait mettre encore de nombreux mois à retrouver une vie normale. Les professionnels ne vont donc pas avoir d’autre choix que d’adapter leur mode de fonctionnement s’ils veulent rouvrir.
« Chaque secteur doit nous dire s’il est prêt au “stop and go” et dans quelles conditions, ou s’il préfère attendre une réouverture dans des conditions normales, mais à une date inconnue ou qui restera hypothétique durant encore plusieurs mois », décrypte un conseiller de l’exécutif.
Les pays anglo-saxons ont choisi de reporter à l’automne 2021, voire à 2022, la réouverture de la plupart des lieux de culture. A l’inverse, des pays européens comme l’Espagne, où les salles de spectacle et de cinéma sont restées ouvertes à Madrid, préfèrent s’adapter au jour le jour à l’épidémie.
Un choix cornélien
« L’alternative ne peut pas être entre tout et rien, entre une fermeture totale et une ouverture sans conditions. A nous d’inventer un chemin différent en faisant confiance car nous ne pouvons pas offrir aujourd’hui au secteur ce qu’il attend le plus, c’est-à-dire de la visibilité », plaide Aurore Bergé, députée La République en marche (LRM) des Yvelines et membre de la commission des affaires culturelles et de l’éducation de l’Assemblée nationale.
Un choix d’autant plus cornélien pour les professionnels que le gouvernement compte faire du couvre-feu sa principale arme de lutte contre l’épidémie dans les prochaines semaines. Or, les salles de spectacle, de théâtre et de cinéma auront beaucoup de mal à vivre si elles ne peuvent pas accueillir de spectateurs après 20 heures. Sans parler d’un couvre-feu à 18 heures, comme celui mis en place à partir du 2 janvier dans quinze départements, qui les condamne de facto à rester fermées.
Seule certitude, le gouvernement va continuer à soutenir financièrement le secteur. Depuis le début de l’épidémie, plusieurs milliards d’euros d’aides directes et indirectes ont été mobilisés. Quelque 35 millions d’euros ont été encore débloqués ces dernières semaines pour compenser les frais engagés par le report de la date du 15 décembre : 27 millions pour les cinémas, 8 millions pour les théâtres. « S’il faut ajouter de l’argent, on recalibrera au fur et à mesure », promet-on à l’Elysée. Des négociations devraient aussi s’ouvrir sur le prolongement des mesures de chômage partiel accordées aux entreprises culturelles jusqu’au 31 janvier. Selon différentes sources, un report au 30 juin serait à l’étude.
Le gouvernement n’exclut pas non plus de prolonger les aides aux intermittents, dont le nombre est estimé à 276 000 (167 000 artistes et 109 000 techniciens bénéficient de ce statut, selon Pôle emploi). Lors du premier confinement, avait été instaurée une « année blanche » jusqu’au 31 août 2021, leur permettant de toucher les indemnités liées à leur statut, sans avoir à justifier de nouvelles heures de travail. Un dispositif dont les coûts sont estimés à près de 1 milliard d’euros.
Mais les lieux de culture étant fermés, nombre d’artistes sont toujours contraints à l’inactivité et ne pourront pas effectuer d’ici à l’été prochain les 507 heures de travail nécessaires au maintien de leur statut. Certaines organisations, comme la CGT-Spectacle ou la Coordination des intermittents et précaires (CIP), réclament donc la mise en place d’une deuxième « année blanche », jusqu’à l’été 2022.
Une demande à laquelle le ministère de la culture ne se montre pas hostile, même si la décision ne devrait pas être prise tout de suite. « On ne peut pas savoir six mois avant quels intermittents ne vont pas pouvoir faire le nombre d’heures requis, ni combien ne vont pas pouvoir bénéficier des dispositifs de rattrapage que le statut prévoit déjà. Mais on est en train de regarder s’il faut ajuster », assure l’entourage de Roselyne Bachelot.
De fait, certains artistes et techniciens ont repris le travail à l’automne, notamment dans les milieux du cinéma et de la télévision, où les tournages sont autorisés, même de nuit. « C’est plus compliqué pour ceux qui travaillent dans la musique, avec tous les festivals qui s’annulent les uns après les autres », concède un conseiller.
Pour donner du travail aux artistes, Roselyne Bachelot avait lancé...
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