Les théâtres et opéras parisiens, contraints à l’improvisation voire à des annulations de représentations face aux cas de Covid, craignent de baisser le rideau.
Rideau rouge fermé, et projecteurs éteints, la salle de l’Opéra Bastille, à Paris, était tristement vide, mardi 14 décembre. Le ballet Don Quichotte qui devait se tenir ce jour-là a été annulé en raison de la dégradation de la situation sanitaire. Alors que l’épidémie de Covid-19 reprend de plus belle ces dernières semaines, avec bientôt 100 000 contaminations par jour, d’autres théâtres et salles de spectacle parisiens ont reporté à contrecœur certaines de leurs représentations, plusieurs artistes étant positifs au virus.
Les professionnels du spectacle ne cachent pas qu’ils sont dans le flou et gagnés par l’inquiétude, ces derniers jours de décembre. Impossible en effet pour eux de savoir si leur activité se poursuivra normalement après les fêtes. « L’identification de cas positifs et cas contacts parmi les artistes, souvent le jour même de la représentation, nous contraint à prendre des mesures pour assurer les représentations, parfois à quelques heures du lever de rideau », explique ainsi le service de communication de la direction de l’Opéra national de Paris, qui gère la salle de la Bastille.
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L’établissement a dû procéder plusieurs fois à des modifications de distribution, ou à la présentation d’un ballet sur une musique enregistrée par l’Orchestre de Paris en lieu et place de l’orchestre en fosse. Mais, parfois, ces changements ne suffisent pas. L’Opéra Bastille a pris la décision de reporter la représentation du Château de Barbe-bleue par l’Orchestre symphonique du Grand Théâtre du Liceu de Barcelone, prévue le 9 janvier, pour éviter tout risque de propagation du virus.
« On vit vraiment au jour le jour »
« Dans le contexte sanitaire actuel, assurer le maintien des représentations tout en préservant la sécurité de notre public est un défi quotidien », explique-t-on. Un défi difficile, en particulier pour les grosses productions, qui accueillent à chaque représentation des milliers de spectateurs et emploient des centaines d’artistes et techniciens. Au Théâtre Mogador, à Paris, le camouflet est rude pour la troupe de la comédie musicale Le Roi Lion, qui fait salle comble depuis novembre.
Le Lion n’a en effet pas rugi sur scène les 18 et 19 décembre, le théâtre ayant dû annuler deux représentations en raison de la détection d’un cas de Covid-19 parmi les artistes. L’annonce fut un choc alors que, depuis ses premières représentations, cette comédie musicale de Broadway connaît un véritable succès, avec plus de 200 000 billets vendus. Pourtant, le théâtre applique strictement les mesures sanitaires en testant tous les jours comédiens, musiciens et techniciens.
« On vit vraiment au jour le jour », se désole Olivier Lazzarini, directeur commercial et marketing de Stage Entertainment, qui produit Le Roi Lion. Même avec les doublures, la direction a du mal à assurer ses représentations : « Sur les rôles principaux, on a trois personnes. Comment voulez-vous qu’on travaille normalement, quand la première est malade, le deuxième cas contact et que la troisième n’a pas pu être formée ? » La troupe ne retrouvera la scène du Théâtre Mogador qu’à partir du 31 décembre.
L’inquiétude plane désormais sur l’avenir de l’ensemble des représentations. « Est-ce qu’on est confiant aujourd’hui ? Sûrement pas. Est-ce qu’on est prudent ? On se doit de l’être, assume Olivier Lazzarini. On fera tout pour redémarrer, mais on est réaliste : assurer la sécurité de notre public et maintenir le moral de notre troupe reste la priorité. » La direction s’est engagée à être présente et disponible pour tous ses artistes, en particulier ceux qui ont le moral en berne. « Les deux spectacles ont été un réel succès donc, quand ils sont arrêtés en plein vol, c’est très douloureux. Nos artistes sont lassés par la situation mais ils restent au taquet. »
« Compliqué s’il y a une succession d’annulations »
La lassitude s’est aussi emparée du Centquatre-Paris, lieu de spectacle et d’expérimentation artistique du 19e arrondissement de la capitale. Il a fallu annuler le spectacle Don’t We Deserve Grand Human Projects That Give Us Meaning, prévu dans le cadre de la Biennale internationale des arts numériques de la région Ile-de-France, en raison d’un cas de Covid-19 parmi les techniciens. La pièce ne sera pas reportée et la crainte de devoir annuler d’autres spectacles en janvier monte.
« On estime fort possible qu’à la rentrée on soit touché par d’autres annulations du fait de cas dans les équipes », remarque Clémentine Aubry, adjointe au directeur du 104, qui s’inquiète aussi de la reconduction des aides gouvernementales. Et d’ajouter : « A chaque étape de cette pandémie, on pense que tout ira mieux. Mais au final, on constate que notre activité est constamment menacée. On en a marre. »
Le Centquatre-Paris dispose néanmoins d’un...
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