Les confinements et les couvre-feux dus à la pandémie en 2020 poussent les lieux à s’interroger sur l’amplitude de leur ouverture au public.
Les théâtres resteront portes closes au moins jusqu’au 7 janvier 2021. Ils avaient espéré rouvrir le 15 décembre, mais leur espoir a été douché par les mauvais chiffres de l’épidémie de Covid-19 qui ont poussé le gouvernement à maintenir la fermeture des lieux culturels. En réalité, pour bon nombre de théâtres subventionnés, ces trois nouvelles semaines d’arrêt ne correspondent qu’à une semaine sans lever de rideau pour le public.
En effet, l’immense majorité des centres dramatiques nationaux (CDN) et une très grande partie des scènes nationales allaient, quoi qu’il en soit, être fermés pendant les vacances scolaires, comme c’est le cas chaque année. Les deux confinements de 2020, qui ont contraint les lieux à réorganiser sans cesse leurs programmations, n’avaient pas pour autant modifié le calendrier traditionnel de fermeture. Mais la crise liée au Covid-19 pousse les lieux à s’interroger sur l’amplitude de leur ouverture au public.
« Les vacances scolaires sont très souvent des moments de créations et de résidences d’artistes. Pour cette fin d’année, il y avait peu de changement de planning de représentations, uniquement quelques ajustements qui permettaient de profiter de cette fenêtre entre le 15 et 22 décembre avant la reprise, qui était prévue autour du 6 ou 12 janvier », constate-t-on à l’Association des centres dramatiques nationaux après un sondage auprès des trente-huit centres répartis sur le territoire.
En dehors de celui de Vire (Calvados), qui prévoyait de maintenir la deuxième édition de son festival Les Feux de Vire, du 26 au 28 décembre, seul le CDN de Nice devait rester ouvert jusqu’au 31 décembre. « Ce n’était pas une habitude ici, explique Muriel Mayette-Holtz, à la tête du Théâtre national de Nice depuis novembre 2019. Mais on a tellement enchaîné de difficultés que des liens de solidarité ce sont créés, et cela avait été facilement accepté par l’équipe. »
« Pas le moment de tout bousculer »
Au CDN de Normandie-Rouen, la question d’ouvrir pendant les vacances de fin d’année « ne s’est pas posée », assure son directeur, David Bobée. « JoeyStarr va venir répéter comme c’était prévu. Le personnel permanent du théâtre est très perturbé, a besoin de repos. Ce n’était pas possible de les mobiliser à nouveau pour tout chambouler sur des calendriers pensés depuis un an. Il ne fallait pas ajouter de la crise à la crise », estime le metteur en scène.
A Toulon, Charles Berling, directeur de la scène nationale Châteauvallon-Liberté, a interrogé ses administrateurs sur la possibilité d’un prolongement de la programmation pendant les fêtes. « J’avais obtenu une ouverture jusqu’au 20 au lieu du 18 décembre, mais pas au-delà. Les gens sont tendus, fatigués, ce n’était pas le moment de tout bousculer, argumente-t-il. Les équipes ont été très mobilisées pour faire et défaire la billetterie. J’ai pesé le pour et le contre et ne voulais pas rouvrir à tout prix. Je préférais me battre pour la motivation de l’équipe plutôt que pour ces dix jours. » Sans compter que les théâtres publics « se heurtent aussi au droit du travail », ajoute le comédien, les congés et RTT étant pris pendant les vacances scolaires.
« Pourquoi ne pas ouvrir pendant les vacances, lorsque le public est davantage disponible ? C’est une bonne question, reconnaît Frédéric Maurin, coprésident du Syndicat national des scènes publiques. Même si c’est compliqué pour les équipes, le service public des arts et de la culture se doit de remplir au mieux sa mission. » A la faveur de la crise engendrée par le Covid-19, « de plus en plus d’opérateurs s’interrogent sur le rythme de nos maisons, et notamment sur les fermetures pendant les congés scolaires, poursuit M. Maurin. Mais cela a des conséquences en termes de budget et de ressources humaines ».
Déjà, à l’issue du premier confinement, peu de lieux avaient ouvert pendant l’été. Néanmoins, un peu comme s’est posée la question de l’ouverture des bibliothèques le dimanche, le débat est désormais ouvert sur l’étendue du calendrier des théâtres publics.
« A situation nouvelle, réponses nouvelles »
Interrogez Emmanuel Demarcy-Mota sur l’ouverture des théâtres pendant les vacances scolaires et vous ne l’arrêtez plus. « La crise est un révélateur et un accélérateur des carences du système, insiste le directeur du Théâtre de la Ville, à Paris. Il est indispensable de travailler aux modifications structurelles de nos institutions dans le temps présent, car cela permettra de construire le temps d’après. A situation nouvelle, il faut des réponses nouvelles. » Au Théâtre de la Ville, qui a fait le choix de rester ouvert cet été et avait prévu plusieurs spectacles pendant les fêtes pour tous les âges, « les priorités ont été réarbitrées dans une démarche de solidarité avec les artistes, défend Emmanuel Demarcy-Mota. Nous avons utilisé une partie du budget que nous consacrons habituellement à la communication, aux pots de première et aux voyages à l’étranger pour découvrir de nouveaux artistes – bref, tout ce qui a été stoppé à cause du Covid –, pour soutenir les intermittents ».
Au CDN de Nice, des propositions ont aussi été faites aux spectateurs pendant tout l’été en extérieur. Et deux spectacles auraient dû se jouer jusqu’au 31 décembre : du théâtre avec Chat en poche, de Georges Feydeau, et de la magie avec Larsene magie. « Du fait de la situation, on avait densifié notre calendrier. L’équipe avait conscience qu’on jouait notre avenir en faisant cela, il y avait une grosse envie de rester vivant, sinon on avait l’impression de ne pas être nécessaire », souligne Muriel Mayette-Holtz, pour laquelle « il est logique de jouer pendant les fêtes ». Mais, reconnaît-elle, « c’est grâce à la présence d’une troupe sur place et parce que c’est moi qui fais la mise en scène du Feydeau qu’on a pu réagir très vite ».
Emmanuel Demarcy-Mota en est persuadé, « l’année 2020 restera...
Lire la suite sur lemonde.fr