Les exploitants demandent au gouvernement de laisser les séances terminer à 21 heures, mais Jean Castex a fermé la porte à un assouplissement.
Un appel au secours. Depuis l’intervention d’Emmanuel Macron, mercredi 14 octobre, et l’annonce d’un couvre-feu de 21 heures à 6 heures en Ile-de-France et dans huit des principales métropoles françaises, les professionnels du cinéma le disent sans ambages : si des aménagements ne sont pas autorisés pour les salles obscures, c’est tout le secteur qui pourrait mettre la clef sous l’écran. « On a quinze jours de visibilité devant nous. Si rien n’est fait d’ici là, des salles vont fermer », assure Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF), qui représente les quelque 2 000 établissements du pays.
Toute la journée de jeudi, les exploitants mais aussi les distributeurs et les producteurs ont plaidé leur cause auprès de l’exécutif. Pour eux, les cinémas ne sauraient être rendus responsables de la situation sanitaire. « Ce n’est pas dans les salles que circule le coronavirus, assure Jean Labadie, PDG de la société de distribution Le Pacte. Tous les spectateurs sont masqués et respectent la distanciation sociale demandée par le gouvernement. Dans les zones écarlates, un fauteuil sépare même les spectateurs qui ne se connaissent pas. » De fait, aucun cluster n’a été signalé dans un cinéma depuis le déconfinement intervenu en mai et alors qu’environ 20 millions d’entrées ont été depuis enregistrées dans les salles obscures.
Pour les professionnels, obliger les gens à être rentrés chez eux à 21 heures condamne de facto toute possibilité de projeter des films en soirée. La durée moyenne d’une séance étant de 2 h 15, il ne serait pas possible de commencer une projection après 18 heures, affirment-ils. Une hérésie dans les grandes agglomérations, où les sorties de bureaux s’effectuent plutôt à 19 heures qu’à 18 heures.
Or, les séances en soirée sont stratégiques pour l’activité des exploitants de salle. Selon un rapport publié en septembre 2020 par le Centre national du cinéma (CNC), les séances programmées après 19 heures représentaient 40,5 % de la fréquentation des salles en 2019. « Les séances en journée ne suffiront pas à faire tourner les établissements, a fortiori avec des salles à jauge réduite », estime-t-on au sein de la profession.
Reporter la sortie des films
Surtout, les cinémas risqueraient de ne plus avoir de films à projeter, les distributeurs préférant reporter la sortie de leurs longs-métrages pour bénéficier d’une meilleure exposition. Prévu mercredi 21 octobre sur plus de 500 écrans, le film d’horreur sud-coréen Peninsula, de Yeon Sang-ho – une suite de Dernier train pour Busan –, a ainsi été reporté au 16 décembre 2020, a annoncé son distributeur, ARP Sélection, quelques heures après l’intervention de M. Macron. « Compte tenu de l’importance des séances du soir pour le succès de Peninsula (…), nous sommes contraints de décaler la sortie du blockbuster », a-t-il expliqué. Une déconvenue supplémentaire, alors que la plupart des studios hollywoodiens ont déjà reporté à 2021 voire 2022 la sortie de leurs plus gros films.
Surtout, ce n’est peut-être qu’un début. Douze films sont attendus en salle ce mercredi 21 octobre. Les trois longs-métrages destinés aux enfants (Poly, de Nicolas Vanier, Petit vampire, de Joann Sfar, ainsi que La Baleine et l’escargote, de Max Lang, Daniel Snaddon et Filip Diviak) ne devraient pas pâtir du couvre-feu : le jeune public a l’habitude d’assister aux séances en journée pendant les vacances scolaires. Mais quid de la comédie d’Albert Dupontel Adieu les cons, présentée comme l’un des succès de l’automne ? Son distributeur et coproducteur Gaumont n’avait pas arrêté sa décision jeudi soir. Même chose pour ADN, le nouveau film de Maïwenn, dont la sortie est prévue le 28 octobre. « Nous attendons de savoir si le gouvernement va annoncer des mesures compensatoires ou revenir sur la séance de 20 heures avant de nous décider », explique Jean Labadie, son distributeur.
La solution la plus simple, selon les professionnels du cinéma, serait de permettre aux spectateurs de pouvoir rentrer chez eux après l’heure du couvre-feu. Les séances auraient toujours l’obligation d’être terminées avant 21 heures, mais les spectateurs auraient ensuite le temps de regagner leur domicile. Le billet électronique, où le jour et l’heure de la séance sont inscrits, pourrait servir de justificatif en cas de contrôle. Dans un communiqué publié jeudi, le groupe MK2 a ainsi appelé à « un aménagement des horaires pour les salles de spectacle [afin de] pouvoir offrir au public des séances de début de soirée compatibles avec la réalité économique et les pratiques propres au secteur culturel ».
Aménagement minime
Face aux réticences, la profession assure que l’aménagement du couvre-feu serait minime : plus de 65 % des spectateurs vivent à moins de 20 minutes du cinéma où ils ont l’habitude de se rendre, et 25,4 % se trouvent même à moins de dix minutes, selon le CNC. « Il faut qu’on puisse au moins sauver une séance en soirée si on veut que les distributeurs maintiennent leurs sorties », alerte Marc-Olivier Sebbag.
Interpellée par les différents représentants de la profession lors d’une rencontre jeudi après-midi, Roselyne Bachelot a promis de relayer leurs revendications à Matignon et à l’Elysée. Dans Le Parisien, la ministre de la culture a déclaré que l’idée de faire de 21 heures « l’heure du départ de la salle », pour les cinémas mais aussi les salles de spectacle, lui paraissait « plaidable », et serait examinée par le gouvernement, « sous réserve bien sûr de l’évolution de la situation sanitaire ». Selon nos informations, Emmanuel Macron ne se serait pas...
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