Les directeurs de théâtre et les professionnels du cinéma tentent de trouver des solutions pour maintenir leur activité.
Un coup de massue ! Durement éprouvés depuis le début de la crise sanitaire, les professionnels de la culture ont accueilli avec fatalisme l’annonce de l’instauration d’un couvre-feu en Ile-de-France et dans huit métropoles françaises, qui va limiter un peu plus encore les activités des entreprises du spectacle. « Nous sommes de nouveau les sacrifiés de la crise », s’émeut Olivier Darbois, président du Syndicat national des producteurs, diffuseurs, festivals et salles de spectacle musical et de variété (Prodiss).
En obligeant près d’un tiers des Français à rejoindre leur domicile au plus tard à 21 heures, le gouvernement donne un coup d’arrêt à la timide reprise que connaissent les cinémas, les théâtres ou les salles de spectacle depuis la rentrée, estiment les professionnels. « C’est catastrophique. Tout un secteur, déjà à bout de souffle, est mis à l’arrêt, se désespère Nicolas Dubourg, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac), qui représente plus de 400 institutions, dont la grande majorité des centres dramatiques nationaux et des scènes nationales. Dans toutes les métropoles concernées, le service public de la culture est stoppé. »
Pour le monde du théâtre, il n’y a pas pire choix que 21 heures pour commencer un couvre-feu : soit le spectacle est en cours, soit il débute. « Du haut de ma candeur, j’espérais un couvre-feu à 23 heures à partir de mardi prochain. Là, on a 48 heures pour se réorganiser, avec des horaires impossibles et sans aucune concertation préalable », regrette Bertrand Thamin, président du Syndicat national du théâtre privé (SNTP). « Après nous avoir incités, dès cet été, à rouvrir, on nous coupe l’herbe sous le pied », constate-t-il. Pourtant, la ministre de la culture, Roselyne Bachelot, elle-même considérait il y a peu qu’« il y a moins de risque d’aller au théâtre qu’à un repas entre amis ». Emmanuel Macron a d’ailleurs reconnu mercredi que les salles de spectacle ont des protocoles sanitaires « très efficaces » et qu’« on y est très bien protégé ».
« Fatalisme, révolte, colère »
Après la douche froide, les responsables de théâtres tentent de s’organiser, quand c’est possible. Si, dans certaines salles, les représentations vont être avancées à 19 heures, encore faut-il que la durée du spectacle soit compatible avec un retour des spectateurs chez eux à 21 heures… « Notre spectacle dure deux heures, on ne va pas jouer à 18 heures car il n’y aurait personne… alors on ferme, enrage Jean Robert-Charrier, directeur du théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris, qui, depuis le 8 octobre, programme Avant la retraite, une nouvelle création mise en scène par Alain Françon. C’est une catastrophe économique et artistique. On lance un spectacle, on a fait de l’affichage et tout s’arrête… Nous allons regarder si c’est viable, économiquement, de maintenir uniquement deux matinées le week-end. »
Propriétaires de six théâtres parisiens et réputé proche de M. Macron, Jean-Marc Dumontet dit lui vouloir « trouver des solutions » pour « donner des signaux que la vie continue. C’est une question de survie morale ». Au Théâtre Antoine et au Théâtre Libre, les spectacles vont jouer à 19 heures et quatre fois le week-end en matinée le samedi et le dimanche. « Richard Berry, pour Plaidoiries, François Berléand et François-Xavier Demaison, pour Par le bout du nez, sont d’accords », se réjouit le producteur. Andréa Bescond a accepté de faire des coupes dans sa pièce Les Chatouilles pour terminer « dans les temps ». A La Scala, le spectacle à succès Une histoire d’amour, d’Alexis Michalik, sera avancé à 18 h 30.
« Je ne vois pas comment, entre la fin d’une journée de travail et l’organisation de la vie personnelle, on peut placer une sortie de théâtre à de tels horaires », nuance Nicolas Dubourg, du Syndeac. « On a appris à couper les cheveux en quatre pour mettre en place les gestes barrières. Maintenant on nous demande de les couper en huit, c’est impossible », insiste-t-il.
Du côté des salles de cinéma, les mêmes sentiments dominent. « Comme tous les Français, nous éprouvons du fatalisme, de la révolte, de la colère, de l’inquiétude », indique Marc-Olivier Sebbag, délégué général de la Fédération nationale des cinémas français (FNCF). La suppression des séances du soir va diminuer mécaniquement le nombre d’entrées et rendre encore plus compliquée la tâche des distributeurs. Après les annulations en série des sorties de blockbusters américains, ces nouvelles mesures pourraient inciter les producteurs français à les imiter. « Je ne suis pas abattu, je suis juste en colère », a réagi le réalisateur Jean-Paul Salomé sur Twitter, indiquant avoir des « pensées » pour « tous ceux dont les films viennent de sortir ou vont sortir ».
Une dérogation à la règle du couvre-feu
Seule certitude, les professionnels estiment que...
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