Chronique. Le confinement devait offrir du temps pour lire Proust ou Karine Tuil, regarder des films, déguster en DVD la Tétralogie, de Wagner, mise en scène par Patrice Chéreau. Pour se poser. Mais le temps libre est submergé par les expériences émotives rapides, l’information en boucle, l’échange de vidéos potaches, les apéros par Skype. On craignait que nos cerveaux soient peu réceptifs à la culture classique comme à la nouvelle qui déferle en masse sur notre canapé via la Toile. D’autant que, juste après l’annonce du confinement, lundi 16 mars, les ventes qui ont explosé sont allées aux équipements informatiques, pas aux livres ou CD. Sans compter la télévision, qui a gagné une heure d’écoute, au profit, entre autres, du Jour du Seigneur – audience triplée pour la messe.
Or, bonté divine, l’audience de la culture virtuelle bondit aussi partout depuis que le SARS-CoV-2 (nom scientifique du nouveau coronavirus) est là. Sauf que certains gagnent bien plus que d’autres, et surtout ils ne gagnent pas la même chose. D’un côté, les entreprises qui font du commerce en ligne gagnent pour la plupart de l’argent. De l’autre, les musées ou salles de spectacle gagnent de la visibilité, ils informent le public, le fidélisent, l’élargissent, mais, comme leurs sites sont gratuits, ils perdent de l’argent.
C’est l’injustice du virus que de faire perdre ceux qui font un travail de fond auprès du public et gagner ceux qui le font moins. Mais que l’industrie numérique sorte renforcée de cette crise est dans l’air du temps. Elle était déjà florissante avant le confinement. C’est vrai pour la culture qui se niche parmi une offre pléthorique (YouTube) et celle qui est un fonds de commerce.
Les plates-formes de ventes de films cumulent les clés du succès : le cinéma est un art populaire, facile, adapté au confinement, sans risque sanitaire, car dématérialisé. Ces entreprises font...
Lire la suite sur lemonde.fr