Faute de soutien spécifique, de nombreuses institutions sont menacées de fermeture. Metteurs en scène et directeurs espèrent un plan d’aide du gouvernement.
Le printemps est radieux en cette fin de mai dans les rues désertées de West End, le célèbre quartier londonien des théâtres. A l’angle de Shaftesbury Avenue et de Charing Cross Road, le Palace Theatre, monumentale bâtisse en brique, exhibe encore à l’entrée une impressionnante réclame pour Harry Potter and the Cursed Child (Harry Potter et l’enfant maudit), sa comédie musicale-phare. Mais ses abords sont vides, les billetteries closes – au moins jusqu’au 28 juin, a précisé l’association SOLT (Society of London Theatre), le lobby de West End.
Quand rouvriront-elles, et surtout dans quelles conditions, alors que presque tous les théâtres britanniques sont désormais dans une situation critique ? « Nous pourrions ne pas survivre à cette crise » : à la mi-mai, cet appel à l’aide lancé par le patron du Globe, l’iconique théâtre consacré aux pièces de Shakespeare sur la rive gauche de la Tamise, a agi comme un électrochoc. Confronté à la crise pandémique, le gouvernement Johnson a certes consenti des aides inédites au secteur privé (notamment le paiement presque intégral du chômage partiel), mais rien pour la culture, spécialement pour sa scène théâtrale, pourtant l’une des plus dynamiques – et, jusqu’à présent, l’une des plus profitables au monde.
Secteur jusqu’à présent florissant
A en croire SOLT, 70 % des théâtres du pays seront à court de liquidités d’ici à la fin de 2020, alors que pour l’instant le gouvernement n’a prévu aucune date pour leur réouverture. « Pour certains, c’est une question de semaines, pas de mois », assure au Monde Erica Whyman, directrice artistique adjointe de la Royal Shakespeare Company (RSC), qui gère trois théâtres à Stratford-upon-Avon (Warwickshire). Véritable institution régionale, le Nuffield Southampton Theatre (dans le sud du pays), a, lui, fait faillite début mai.
Le secteur était jusqu’à présent florissant, West End, en particulier. En 2019, 15,3 millions d’entrées ont été vendues, 1 million de plus qu’à Broadway, pour un chiffre d’affaires de 800 millions de livres. « Pour une livre investie dans les théâtres, ce sont 5 livres générées », assurait à la fin mai sur la BBC le dramaturge et scénariste James Graham, très mobilisé pour plaider la cause du secteur. « Nous avons mis en chômage partiel 90 % de nos employés, qui sont payés par le gouvernement, mais cette aide ne dure que jusqu’à la fin juillet. Et nos artistes sont tous des indépendants : il y a bien une aide pour eux, mais elle ne durait que trois mois et est en train de se terminer », précise Mme Whyman, dont le théâtre bénéficie de subventions (25 % de ses revenus), contrairement à de nombreux autres (dont le Shakespeare Globe). « Le gouvernement est réticent à nous accorder des aides qu’il accorderait à d’autres secteurs, notamment l’hôtellerie-restauration », déplore la metteuse en scène.
Lire la suite sur lemonde.fr