Privés de recettes pendant plusieurs semaines, les établissements d’art comptent sur des aides de l’Etat et revoient leur programmation.
Après presque trois mois d’abstinence, les premiers visiteurs reprennent le chemin des musées – à la fondation Giacometti, au musée Jacquemart-André, au Quai Branly à Paris, au Louvre-Lens… – rouverts de façon encore homéopathique depuis le 2 juin. S’ils doivent souvent réserver leur billet d’entrée pour un horaire donné, les amateurs d’expositions ont l’immense satisfaction de ne pas être bousculés dans une marée humaine et de pouvoir regarder tranquillement des œuvres. C’est le bon côté du confinement. De l’autre, les déficits des musées causés par la pandémie, parfois considérables, risquent de les affecter durablement.
Privés de trois mois de recettes de billetterie et amputés de leurs autres ressources (revenus des concessions, privatisation d’espaces, itinérances d’expositions, édition…) tous les musées constatent une sévère dégradation de leurs résultats financiers. Serge Lasvignes, président du Centre Pompidou à Paris, qui ouvrira au public le 1er juillet, prévoit ainsi, pour un budget de 100 millions d’euros, « de perdre 20 millions d’euros cette année : la moitié proviendra du manque à gagner de billetterie, l’autre moitié de la baisse des ressources propres ».
La Ville de Paris s’attend à un déficit oscillant entre 12 et 17 millions d’euros pour ses quatorze musées (dont Le Petit Palais, le Musée d’art moderne ou le Musée Bourdelle), explique Christophe Girard, adjoint à la culture.
« Pour le Palais de Tokyo, c’est une déflagration », assure Emma Lavigne, la présidente, qui s’attend à un trou de 4 millions d’euros cette année pour un budget de 19 millions. Même « très très gros choc » pour Emmanuel Marcovitch, directeur général délégué de la Réunion des musées nationaux (RMN)- Grand Palais qui s’attend désormais à 30 millions d’euros de déficit cette année. Personne n’y échappe et les chiffres donnent le tournis.
Au Louvre, 104 000 billets prépayés depuis le début du confinement, soit 1,76 million d’euros, ont déjà été remboursés. L’annulation, pendant la fashion week, des défilés de mode dans le jardin des Tuileries (qui dépend du Louvre) creusera encore le déficit de 3 millions d’euros. L’ampleur de la facture, comme à Orsay, n’est pas rendue publique tant que le conseil d’administration ne s’est pas tenu ou que les négociations ne sont pas terminées avec le ministère de la culture.
Qui paiera ? Tous ne sont pas sous la même toise. Pour Le Louvre, Orsay, le Mucem de Marseille ou Beaubourg, qui bénéficient d’un statut d’établissement public administratif, leur tutelle, le ministère de la culture devra venir à la rescousse. « Les comptes doivent être à l’équilibre et comme notre fond de roulement ne pourra pas absorber une telle perte, nous avons demandé le secours de l’Etat », explique Serge Lasvignes.
Un financement mixte
Si tous ces musées obéissent à l’injonction qui leur est faite de renforcer chaque année leurs ressources propres, rien ne dit que l’Etat effacera intégralement leurs ardoises et ne les obligera pas à des cures d’austérité. En visite à Versailles, Franck Riester, le ministre de la culture, a promis ce week-end que l’Etat serait au rendez-vous. Sans préciser d’aides chiffrées.
Les modèles économiques de la RMN-Grand Palais (établissement public industriel et commercial) ou du Palais de Tokyo reposent sur un financement mixte qui dépend davantage du privé et les rend plus vulnérables. « Nos ressources propres représentent 85 % de notre budget », souligne Emmanuel Marcovitch de la RMN-Grand Palais. Hormis l’effondrement de la billetterie du Grand Palais et du Musée du Luxembourg, cette institution a...
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