En vingt ans, l'Hexagone est remonté de 3 % à 7 % du marché mondial de l'art. A lui seul, il pèse la moitié du marché européen. Mais en adoptant une directive de l'UE qui porte la TVA de 5,5 à 20 %, la France est la seule des 27 pays membres à se tirer une balle dans le pied.
Tout était pourtant bien parti. Le marché de l'art en France est en pleine renaissance : de 3 % du marché mondial en 2001, il est remonté à 7 %. Mais ce dynamisme risque d'être mis à mal par une directive de l'UE, prise sans étude d'impact ni concertation avec les galeries et les maisons de vente, presque informées par hasard alors que le texte remonte à avril 2022 : la multiplication par près de 4 du taux de la TVA - de 5,5 à 20 % - imposée aux marchands sur leurs importations d'oeuvres en provenance de pays autres que l'UE, ainsi qu'aux artistes vivants travaillant en Europe lorsqu'ils vendent leurs créations à des professionnels.
Actuellement, les marchands qui achètent pour revendre disposent d'un système avantageux de calcul de la TVA, dit « sur la marge » qui permet de diminuer le prix final pour l'acheteur. En acceptant cette directive qui restreint considérablement l'application de cette TVA spéciale dès le 1er janvier 2025, la France risque de saborder son marché de l'art alors qu'elle avait réussi depuis quelques années à entamer l'hégémonie anglo-saxonne.
Effet Brexit
Prise à l'unanimité des Vingt-Sept, transmise aux Etats-membres qui ont deux ans pour la transposer, cette décision ne pénalise en fait que la France, la seule à avoir un marché de l'art conséquent, dopé ces dernières années par la multiplication de centres d'art et fondations privés emblématiques (Pinault Collection, Fondation Vuitton…), mais aussi l'arrivée à Paris de galeries internationales (Gagosian, David Zwirner, Hauser & Wirth…) et de la plus grande foire d'art contemporain ( Art Basel a remplacé la Fiac au Grand Palais), la montée en puissance des multinationales des enchères Christie's et Sotheby's (toutes deux ayant des actionnaires français) et de l'anglais Bonhams allié désormais à Cornette de Saint-Cyr, la belle résistance du groupe Artcurial (propriété de Dassault), la modernisation de Drouot, et bien sûr, le Brexit (dont l'Hexagone a été le principal bénéficiaire en tant que port d'entrée de l'art dans l'UE).
Dissuasif pour le client final
Sous l'effet de cette nouvelle fiscalité, soit la marge des professionnels s'effondre, soit les prix explosent et incitent les collectionneurs à aller acheter hors de France. Dans les deux cas, les effets seront désastreux. De quoi empêcher par exemple le retour dans notre pays de tableaux impressionnistes ou encore de maîtres de l'art moderne tels que Picasso ou Matisse, partis à l'étranger, mais créés en France et prisés des collectionneurs nationaux. L'art n'est pas un bien de consommation banal : un Etat s'enrichit de ses importations et de la production de ses artistes. A l'inverse, il s'appauvrit de ses exportations.
Construire une telle barrière autour de l'UE renforce la compétitivité des principaux concurrents de la France, à la fiscalité plus douce, que sont les...
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