Pendant une représentation de «Dämon» samedi, la metteuse en scène espagnole a performé des articles de presse avant d’alpaguer directement des journalistes. Le critique de France Inter, présent dans la salle et cible d’injures, a porté plainte.
Liberté de la presse versus liberté de la création ? On ne serait pas au bord d’un basculement gravissime, le jour même du premier tour des législatives, on aurait le droit à un débat passionnant quoique répétitif qui embraserait le festival plein à craquer de journalistes. Rappel des faits : dans Dämon, dont la première était hier soir dans la cour d’honneur du palais des Papes où elle est par ailleurs impressionnante, Angélica Liddell a interloqué une partie de l’auditoire en récitant (fort bien) des papiers peu amènes sur sa dernière pièce et en alpaguant directement et nommément les journalistes auteurs des textes dont certains étaient présents dans cette somptueuse salle de près de 1 000 places.
Offensante voire carrément injurieuse
Jusque-là, tout va bien. Tout Dämon est un dialogue imaginaire avec la figure de Bergman qui lui aussi vouait un chien de sa chienne à celles et ceux qui avaient le malheur de dézinguer par voie de presse ses productions parce que c’est leur métier de faire connaître et discuter des objets culturels. Angélica Liddell est face à nous, si fabuleuse d’intensité qu’il nous semble surtout dans un premier temps qu’elle les prend très au sérieux, ces critiques. Mais sa diatribe prend une tournure plus offensante voire carrément injurieuse lorsqu’il est question de Stéphane Capron, grand reporter à France Inter et fondateur du site d’information sur le spectacle vivant Sceneweb.
Jouant sur le sens de son patronyme en espagnol, elle le traite de «merde», de «connard», le reste est laissé à la discrétion du surtitrage et des hispanisants. Ce dimanche 30 juin, lors du traditionnel Café des idées, rendez-vous matinal qui permet au public de rencontre les artistes, elle en remet une couche, n’hésitant pas à dire que son «œuvre est une gifle aux critiques», que «l’art appartient aux artistes» et qu’elle aimerait bien comme Bergman en son temps «balancer des coups» à ceux qui font, selon elle et impunément, «profession de l’insulter».
«La critique, dans notre pays, est encore libre d’exprimer un point de vue»
Angélica Liddell énonce ces désirs fermement mais en souriant. Tout se déroule comme si la transgression était consubstantielle à la performeuse, y compris lorsqu’elle n’est pas sur scène. Tout passe crème. C’est déjà la fin de ce qui ne s’apparente en rien à un débat ou une discussion avec les spectateurs. Depuis, Stéphane Capron a porté plainte pour «injures publiques». Dans la déposition que Libération a consultée, il demande à «ce que les injures soient retirées du spectacle jusqu’à la fin du Festival d’Avignon». Dans la foulée, le Syndicat professionnel de la critique dramatique a rédigé un communiqué pour témoigner de sa solidarité avec le journaliste : «Au même titre que nous soutenons la liberté de création, nous soutenons la liberté de la presse. La critique, dans notre pays, est encore libre d’écrire, d’exprimer un point de vue. Les artistes aussi, dans la limite de...
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