Vous imaginez un peu ? Vous êtes là, ça caille, c’est gris, c’est du béton, y’a rien pour manger un bout dans le quartier, et d’un coup vous tombez sur le Channel… Il faut se rendre sur place pour mesurer le pouvoir de séduction stratosphérique de ce genre de friche artistique sur les jeunes gens du coin. Mais à ceux qui ne pourraient pas se rendre à Calais, secteur sud, le plus pauvre, le metteur en scène Julien Gosselin raconte son coup de foudre d’adolescent : on est au tournant des années 2000, il vit à Oye-Plage, un bled à côté, et va au lycée du quartier des Cailloux. En face de son établissement, d’anciens abattoirs vacants ont récemment été transformés en une oasis de féerie steampunk, sorte de labo artistique et citoyen inventé sur mesure par des artistes venus répéter ici pour l’inauguration du tunnel sous la Manche, et qui sont finalement restés avec l’accord de la mairie. Au pied des entrepôts, des guirlandes de lumières, des gens qui font du feu dans un vent de taré, un restaurant décoré comme un personnage de Jules Verne, une librairie bien dodue, une salle de spectacle aux bancs de bois sculpté et ferronneries saugrenues, un chapiteau, des canapés en libre accès avec petite cuisine partagée, des camions déchargeant un bordel onirique et des gosses du quartier qui viennent faire leur arbre de Noël.
Revue ardue et pères Noël en parade
A l'instant où il y pose un pied, Julien Gosselin ne sait pas encore qu'il veut être artiste mais il sait immédiatement qu'il veut vivre là, dans ce...