Nombre de lieux importants, publics ou privés, ne rouvriront pas dès le 19 mai, pour des raisons d’organisation ou financières.
La joie de retrouver les spectacles de théâtre, de danse ou de cirque, les amateurs en rêvent depuis des mois. Mais, pour beaucoup d’entre eux, il faudra encore attendre. Nombre de salles à travers la France ne rouvriront pas le 19 mai, notamment des institutions importantes, comme la Comédie-Française, sans parler des théâtres privés.
Les directeurs de ces maisons, après avoir réclamé cette réouverture au fil de longues semaines, se sont souvent retrouvés dans l’impossibilité de redémarrer au débotté, après une année d’arrêt qui a désorganisé toute la profession. « On ne rouvre pas un théâtre comme une terrasse de café », résume Jean Robert-Charrier, le jeune directeur du Théâtre de la Porte-Saint-Martin, à Paris.
L’annonce du président de la République, le 29 avril, a pris tout le monde de court, à commencer par le ministère de la culture, qui avait fait savoir à ses interlocuteurs que les théâtres ne rouvriraient pas avant juin. Comme ses confrères, Eric Ruf, l’administrateur de la Comédie-Française, a été surpris par cette annonce et a eu un réflexe de prudence. « On a tous été échaudés par la promesse qui nous avait été faite de rouvrir au 15 décembre 2020, promesse qui n’a pas été tenue, constate-t-il. Au Français, j’ai des problématiques particulières, qui ne me permettent pas de rouvrir en quelques jours, d’autant plus que le décret d’application précisant les modalités de cette réouverture n’a été publié que le 11 mai. »
Equation casse-tête
Ce sont ces modalités, notamment, qui ont contraint nombre de théâtres à repousser leur réouverture : jusqu’au 9 juin, les jauges des salles sont limitées à 35 % de l’effectif global. Le couvre-feu est fixé à 21 heures, sans que l’on sache si ce que l’on appelle l’« horodatage » – la possibilité pour un spectateur de rentrer chez lui après l’heure du couvre-feu, en prouvant qu’il sort d’un théâtre – sera mis en place lors de cette première phase de déconfinement. Deux sièges doivent être laissés libres entre chaque groupe de spectateurs, groupes qui ne doivent pas excéder six personnes.
L’équation relève du casse-tête pour nombre de salles, y compris pour la Maison de Molière : « Nous fonctionnons sur le mode de l’alternance, avec un spectacle différent qui se joue chaque soir et des créations qui se répètent dans la journée, explique Eric Ruf. Avec un couvre-feu à 21 heures, nous n’avons plus le temps de réaliser les changements de décor. Et la question du déficit de billetterie avec une jauge à 35 % n’est pas anodine pour notre maison, qui fonctionne avec 30 % de sa masse salariale en recettes propres. Cette crise nous touche durement sur le plan financier. » Eric Ruf a fait le choix de rouvrir la Comédie-Française par paliers, à partir du 2 juin : « Je suis dans un boulier mécanique depuis un an, je veux me donner le temps de faire les choses correctement. »
Bertrand Salanon, chargé de la production au Théâtre national de Strasbourg (TNS) : « Pour rouvrir, un théâtre, il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton »
Du côté des théâtres privés, la jauge à 35 % est tombée comme un couperet. « C’est tout simplement impossible économiquement pour nous de jouer avec un tel effectif », soulignent en chœur Frédéric Biessy, directeur de La Scala, à Paris, et Jean Robert-Charrier, du Théâtre de la Porte-Saint-Martin. Le premier a choisi de rouvrir le 11 juin, alors que les jauges seront, normalement, repassées à 65 %. Le second ne rouvrira pas avant la rentrée de septembre, le groupe Fimalac, exploitant du théâtre, faisant preuve d’une extrême prudence, pour cette salle de 1 050 places, où chaque jour de fermeture coûte 5 000 euros de charges fixes. « Je pourrais reprendre plus tôt en proposant une programmation légère et facile, note Jean Robert-Charrier. Mais ce n’est pas la mission que j’ai donnée à ce théâtre. »
Plusieurs institutions en région ont également été contraintes de prendre un délai. « Pour rouvrir un théâtre, il ne suffit pas d’appuyer sur un bouton, plaide, lui aussi, Bertrand Salanon, bras droit, chargé de la production, de Stanislas Nordey au Théâtre national de Strasbourg (TNS). Cette succession de confinements strict puis souple que nous avons vécue pendant un an a...
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