Cinquième locataire de la Rue de Valois en sept ans, l’ancienne garde des sceaux de Nicolas Sarkozy suscite la méfiance, même si certains pensent que son poids politique pourrait être un atout.
« N’ayez pas peur, je serai toujours là pour défendre l’exception culturelle française. » En prenant pour la première fois la parole en tant que ministre de la culture lors de la passation de pouvoir, vendredi 12 janvier, Rachida Dati a tenté de rassurer un secteur culturel abasourdi par sa nomination. L’ancienne garde des sceaux de Nicolas Sarkozy n’était pas attendue. Elle le sait. « Je comprends que mon arrivée ici puisse surprendre. Moi, elle ne me surprend pas. Elle répond au besoin de la France que souvent on dit populaire – parfois avec un petit peu de mépris –, qui doit se sentir représentée », a défendu la maire du 7e arrondissement de Paris.
Rachida Dati devient la cinquième ministre de la culture de la présidence Emmanuel Macron en à peine sept ans. Comme ses prédécesseurs, Rima Abdul Malak a été remerciée moins de deux ans après sa prise de fonctions. Cette valse ministérielle Rue de Valois lasse au plus haut point les professionnels du secteur.
« Depuis Nicolas Sarkozy, en dix-sept ans, il y a eu dix titulaires à ce poste, cela fragilise l’action ministérielle », regrette Jean-Jacques Aillagon, ancien ministre de la culture de Jacques Chirac. « Je suis très triste de son départ », ne cache pas Pascal Rogard, directeur général de la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD). « Cette valse est épouvantable, il faut tout recommencer à chaque fois, c’est une perte de temps et cela témoigne que la culture est une sorte de hochet », déplore-t-il.
Même regret pour Hervé Rony, directeur général de la Société civile des auteurs multimédia : « Le ministère de la culture continue de souffrir d’une instabilité néfaste, a-t-il déploré sur X. Quelle ambition à changer tous les deux ans au mieux ? On peut s’interroger au fond sur l’intérêt du président pour ce secteur », tance-t-il.
Nicolas Dubourg, président du Syndicat national des entreprises artistiques et culturelles (Syndeac, première organisation d’employeurs des scènes publiques), voit dans cette nomination une « malheureuse confirmation, celle de l’absence de considération du président de la République pour ce ministère. On assiste à une stabilité à Bercy et au ministère de l’intérieur, mais la culture et l’éducation nationale deviennent des ministères d’ajustement politique. La déconsidération pour ces grands services publics montre à quel point l’idéologie libérale domine ».
« La culture méritait mieux que cela »
« Les bras m’en tombent », dit sans détour Pierre Ouzoulias, sénateur communiste. Fustigeant un coup politique – « la culture méritait mieux que cela » –, ce membre actif de la commission culture au Sénat tient à saluer Rima Abdul Malak, « une ministre de la culture de conviction ». « Elle pensait la culture comme un moyen d’émancipation humaine et de rapprochement des peuples, regrette le sénateur des Hauts-de-Seine. Grâce à nos échanges fructueux, la législation patrimoniale a été enrichie de deux lois sur les restitutions. La dernière sur les spoliations coloniales risque d’être plus difficile à faire aboutir… »
Il n’est pas le seul à saluer le passage de l’ancienne conseillère culture d’Emmanuel Macron Rue de Valois, qui a été largement applaudie lors de la passation de pouvoir. Françoise Nyssen, ancienne ministre de la culture d’Emmanuel Macron, juge qu’elle a été « une formidable ministre, connaissant ses dossiers, à la fois exigeante et stimulante ». Pascal Rogard la définit comme « une passionnée de la culture qui jouissait d’un crédit de tout le secteur culturel, mais n’était pas appréciée par la presse de droite et d’extrême droite ». Et le responsable de la SACD d’ajouter : « Sur la loi immigration et l’affaire Depardieu, elle a été sincère, loin de la politique politicienne. »
A l’inverse, nombreux sont ceux qui s’interrogent sur...
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