En dépit d’un climat de défiance et grâce à la persévérance du comité Ma’an, porté par trois amies spécialistes des scènes culturelles moyen-orientales, des artistes palestiniens ont pu fuir l’enclave et rejoindre le sol français.
Les chercheuses françaises Marion Slitine et Charlotte Schwarzinger ont travaillé de longs mois pour assister à cette scène-là. Ce moment où elles verraient enfin débarquer sain et sauf à l’aéroport de Marseille l’un des plus grands artistes palestiniens, Mohamed Abusal, après des mois de blocage dans l’enfer de Gaza puis d’attente en Egypte. Il a fallu attendre le lundi 23 septembre pour voir le peintre et photographe (né en 1978) fouler le tarmac marseillais avec sa famille. Quelques soirs plus tard, dans la cuisine enfumée de leur appartement où les deux amies vivent en colocation, et qui sert aussi de QG à leur comité «Ma’an» («ensemble» en arabe), Charlotte et Marion nous montrent les photos de l’arrivée à l’aéroport. Un moment historique qu’elles ont «immortalisé».
Abusal est l’un des premiers artistes gazaouis arrivé en France grâce au dynamisme du comité Ma’an. Ce petit groupe de bénévoles a été fondé dans l’urgence par Marion Slitine, anthropologue spécialiste des scènes artistiques palestiniennes, au lendemain du 7 Octobre. Avec ses consœurs et amies Charlotte Schwarzinger, qui écrit sa thèse sur le cinéma libanais, et Adélie Chevée, qui consacre son post-doctorat au Mucem à la création en exil, elle s’active auprès des pouvoirs publics et des partenaires culturels pour que la France offre aux artistes palestiniens ce qu’elle a précédemment offert aux Syriens, aux Afghans, aux Libanais, aux Ukrainiens en péril. Sur la photo de l’aéroport, Mohamed Abusal prend la pose avec sa famille. Posé là sur leurs valises, à côté d’eux, un rouleau. Il contient les seules œuvres que l’artiste a pu sauver de la destruction de sa maison. Quinze toiles sur trente ans de production.
Humour noir
Lorsqu’il est retourné chez lui après les bombardements de l’armée israélienne, Mohamed Abusal a pu distinguer sous les gravats les restes de la borne de métro rouge vif utilisée dans Un métro à Gaza. Cette œuvre d’humour noir (une installation, des photos et vidéos) fantasmait un réseau de transport sophistiqué pour les Gazaouis en lieu et place des tunnels du Hamas. Elle lui avait valu une reconnaissance internationale. Ce soir, les ruines de son travail défilent sous nos yeux sur le smartphone. Des exemples parmi tant d’autres du patrimoine culturel anéanti dans une guerre sans fin. Ici, ensevelie sous les décombres, l’affiche de l’exposition à laquelle Abusal participait l’an dernier à Paris, à l’Institut du monde arabe (IMA). En zoomant un peu sur l’écran, on peut encore distinguer le titre sur le papier poussiéreux : «Ce que la Palestine apporte au monde.»
La même affiche trône en ce moment au-dessus de...
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