Un collectif d’amoureux de la culture, parmi lesquels Florence Belkacem, Carla Bruni-Sarkozy ou Elsa Zylberstein, plaident, dans une tribune au « Monde », en faveur d’une réouverture immédiate des musées pour améliorer la santé mentale des Français.
Tribune. La pandémie nous oblige à limiter les interactions entre personnes, mais pas celles entre les personnes et les œuvres d’art ! Les musées, les expositions et les monuments historiques sont fermés depuis novembre 2020 et un nouveau confinement risque de prolonger de plusieurs semaines voire de plusieurs mois cette impossibilité de voir une œuvre d’art autrement que sur un écran…
Nous demandons qu’il soit mis fin à ce statu quo mortifère qui attaque de façon insidieuse notre santé mentale et que les lieux patrimoniaux accueillent de nouveau du public. Et ce, dès le mois de février.
L’expansion de la pandémie implique de trouver des réponses innovantes, « out of the box » comme le disent les anglo-saxons. Or la France prend le risque de s’enfermer dans une nouvelle ligne Maginot bâtie sur des interdictions, des fermetures et des contraventions...
Pourquoi maintenir les musées fermés si l’on n’y mange pas, n’y boit pas, n’y fume pas, n’y touche rien, si l’on y parle peu et si l’on s’y croise à peine ? Ce sont sans doute les lieux où les interactions humaines et les risques de contamination sont les moins avérés, d’autant qu’ils accueillent le public durant la journée et peuvent s’accommoder d’un couvre-feu à 18 heures ou 20 heures. Aussi, nous pressons le gouvernement d’analyser ce qui se passe en dehors de nos frontières, de tenir compte des dernières décisions de la justice administrative et de proposer une sortie de crise qui innove.
Le respect de stricts protocoles sanitaires
D’abord, les pays qui ont payé le plus lourd tribut à la première vague de Covid-19 ont déjà rouvert leurs musées : la Belgique, l’Espagne, l’Italie dans certaines régions et le Luxembourg. Ces quatre pays n’ont pas pris une telle décision sur un coup de tête : c’est après une analyse des risques qu’ils ont décidé que la fréquentation des œuvres d’art et des monuments était compatible avec le respect de stricts protocoles sanitaires.
On peut aujourd’hui s’évader au Musée Hergé à Louvain-la-Neuve, au Prado à Madrid, aux Offices à Florence et à la Villa Vauban à Luxembourg, mais ni au MuCEM de Marseille ni à l’exposition Chanel du Musée de la mode de Paris et pas plus au Mont-Saint-Michel… Il n’y a donc aucune fatalité sanitaire à la fermeture des musées en Europe.
Ensuite, le Conseil d’Etat a clairement balisé les marges de manœuvre face à l’état d’urgence sanitaire, même s’il a validé les restrictions actuelles. Il a reconnu dans un premier temps que la fermeture des musées était une atteinte grave à « la liberté d’expression et la libre communication des idées », à « la liberté de création artistique » ou encore à « la liberté d’accès aux œuvres culturelles » pour affirmer dans un second temps que cette mesure n’était pas « disproportionnée » en raison du « risque d’augmentation de l’épidémie à court terme ».
Non à une nouvelle ligne Maginot bâtie sur des interdictions
Cet avis de décembre 2020 a pu être considéré comme une défaite du monde de la culture, mais il permet d’entrevoir le bout du tunnel : ce qui n’est pas disproportionné à l’instant T peut le devenir quelques semaines ou mois après…
Le Conseil d’Etat est en outre sensible au principe « d’égalité de traitement ». Or, les portes des musées sont closes depuis novembre 2020 alors que les galeries d’art – fort heureusement – accueillent du public. Mais en quoi regarder un tableau dans une galerie est-il différent de contempler une sculpture dans un musée quand les mesures sanitaires sont identiques (déambulation, circulation des flux, jauges de trafic, aération…) ?
Néanmoins, le principal argument pour la réouverture des musées réside dans une meilleure compréhension de la dynamique de la crise pandémique : croire que ce qui était supportable en 2020 le sera encore en 2021, c’est illusoire ; penser qu’il suffit de prolonger les mesures de restriction des libertés pour lutter contre le Covid-19, c’est au mieux naïf.
Disons-le clairement : il faut en finir avec le statu quo mortifère et une crise sans fin traumatisante. Une réponse source de résilience serait de proposer en 2021 une alternative aux deux seules activités que le gouvernement autorise à ce jour : travailler – en présentiel ou en distanciel – et faire du shopping ou remplir son Caddie !
Plus de 25 millions de Français privés d’accès à des œuvres
Toute activité culturelle en dehors des écrans et de la lecture est rendue impossible, ce qui provoque un état de disette artistique et un appauvrissement de notre imaginaire.
Pour sortir par le haut de cette crise, offrons aux Français un nouvel horizon et donnons-leur – dans les prochaines semaines – la possibilité de...
Lire la suite sur lemonde.fr