Il a ébloui le monde en orchestrant les cérémonies des Jeux de Paris 2024. Alors que la parenthèse olympique se referme, le metteur en scène fait le bilan de deux années de travail fortes en émotions.
Quatre cérémonies olympiques durant, il aura étonné, enchanté, rassemblé tous les publics. De Paris, de France, du monde. Magicien d’une démesure généreusement partagée. Comme au théâtre, où monter l’intégrale du Henri VI de Shakespeare en dix-huit heures n’a pas fait peur à Thomas Jolly, 42 ans aujourd’hui. Pour le Centre dramatique d’Angers qu’il dirige jusqu’en 2022, il y ajoute même Richard III, qu’il interprète avec insolence : vingt-quatre heures de spectacle fracassant. Thomas Jolly quittera quand même Angers. Le bosseur inspiré au style tout ensemble ténébreux et flamboyant est trop demandé. Pour la comédie musicale Starmania, pour l’opéra Roméo et Juliette à l’Opéra Bastille. Et vient encore la nomination à la direction artistique des jeux Olympiques ! Il démissionne pour ne pas troubler davantage ses équipes. L’artiste a tous les courages, et pas seulement une énergie passionnée et un imaginaire délirant. Il l’a prouvé cet été.
Vous avez fait rayonner les JO. Êtes-vous sportif ?
Pas du tout. Pas de sport en salle, pas de piscine. Du ruban, autrefois, ma passion ; mais j’étais le seul garçon. J’avais déjà arrêté la danse enfant, quand j’avais appris que je ne porterais pas de tutu ! Quand j’entends les sportifs parler du geste parfait, de la qualité de la respiration, de la concentration, je vois des points communs avec les acteurs, et une même philosophie. Il ne s’agit pas de prôner la perfection du corps, mais l’épanouissement de l’être au monde. Pourquoi ne ferions-nous pas nous aussi une coupe du monde du spectacle vivant ? Comme au temps des Grecs. Les gradins des JO ressemblent à ceux d’un théâtre.
La direction artistique des JO a-t-elle été votre aventure la plus excitante ?
La plus dense, la plus vertigineuse, la plus complexe, oui. C’est Thierry Reboul, directeur exécutif de Paris 2024, qui a eu la magnifique idée de la cérémonie d’ouverture sur la Seine, de sortir la suivante des stades où cela se faisait traditionnellement pour mettre les festivités dans la ville, épreuves sportives comprises. En septembre 2022, quand il m’en a proposé la direction artistique, j’ai immédiatement pensé que j’en étais incapable, mais j’ai eu confiance en sa folie. Ce projet démesuré n’avait pas d’équivalent et paraissait irréalisable vu la somme des contraintes climatiques, techniques, patrimoniales, financières, sécuritaires. Bizarrement, je me fais davantage confiance quand je ne maîtrise pas l’aventure au départ. J’aime travailler, et un travail acharné permet toujours de trouver.
Avez-vous conçu les quatre cérémonies comme des mises en scène de théâtre ?
J’aime raconter des histoires. Dans mes spectacles, je donne toujours une place énorme à la fiction. Le théâtre est le seul art qui donne plus de poids au « croire » qu’au « savoir ». Mais quelle histoire raconter pour ces JO, sachant que nous allions travailler sur la Seine devant des lieux symboliques, Conciergerie, Notre-Dame ou l’Assemblée nationale ? Comme au théâtre, où je pars toujours d’un texte, je me suis vite entouré d’auteurs complémentaires et différents que j’estimais – la scénariste Fanny Herrero, la romancière Leïla Slimani, l’historien Patrick Boucheron et un jeune dramaturge qui a souvent travaillé avec moi, Damien Gabriac. L’essentiel de notre récit devait tourner autour de cette simple thématique : « Bonjour à tous les pays, bienvenue en France, voilà ce que nous sommes. » Mais qu’est-ce que la France ? Emmanuel Macron, qui m’avait reçu à l’Élysée pour me féliciter de ma nomination par le CIO, m’a répondu : « Un récit en perpétuel mouvement dans le grand récit mondial. » Exactement ce que je pensais déjà. Commence alors avec les auteurs la période la plus excitante, la plus libre...
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